Incontestablement, Mme Le Pen a séduit toute une partie des médias qui ne cessent plus de gloser sur le changement d'image du FN, sur sa transformation en partie de gouvernement, et sur l'évolution du discours moins tapageur et provocateur qu'avec Jean-Marie Le Pen. Tout cela est illustré à grand coup de sondages qui viennent tous démontrer ce que l'on doit considérer comme une évidence : Mme Le Pen est de plus en plus populaire, elle séduit fortement les classes populaires et une frange importante de la droite, au point que sa présence au second tour de la présidentielle devient de plus en plus crédible, et que celle-ci se voit déjà présidente. A voir.
Que Mme Le Pen ait gagné des points dans l'opinion ces dernières semaines, c'est indéniable. Qu'elle suscite auprès des journalistes moins d'animosité que son père, c'est aussi une évidence. Pour autant que nous disent ces fameux sondages dont tout le monde se gargarise ? Que les scores du FN se rapprochent des sommets atteints par Jean-Marie Le Pen au début de ce siècle, certes, mais surtout ils indiquent que 78 % des Français sont toujours hostiles à ses idées, que 62 % des électeurs de droite ne sont pas attirés par Mme Le Pen, que 77 % ne sont pas prêts à voter un jour pour Marine Le Pen, que 74 % pensent qu'elle est d'extrême droite, 59 % sont convaincus qu'elle est raciste, quand à l'humanisme dont elle se vante, ils ne sont que 30 % à lui reconnaître cette qualité. Et ce n'est pas tout, sur l'insécurité, l'immigration, l'Euro ou encore l'Islam, qui sont les sujets historiques du FN, une majorité de Français ne sont pas d'accords avec elle.
Bref, si les chiffres sont élevés et signifient qu'une partie grandissante de l'opinion est captée par la personnalité de Mme Le Pen, force est d'admettre que ce n'est pas encore demain que l'on verra cette dernière présidente de la République. Il faut certes s'alarmer de cette percée actuelle, parce que ce qui ressort essentiellement de ce regain de respectabilité, c'est la capacité de nuisance du FN, et le fait que celui-ci continue à influencer idéologiquement tout le débat politique. Il convient aussi toutefois de relativiser tout cela grandement.
Mme Le Pen serait à 18 % de vote pour la prochaine présidentielle ? Rappelons quand même que l'élection est dans un an et demi et que l'on ne sait même pas qui sera candidat. Alors de fait, les candidats considérés comme évidents, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, réalisent des scores conséquents. De plus, toute la vague de sondages alarmistes de ces derniers jours se tient dans un contexte particulier, celui d'une surexposition médiatique du FN du fait même de ce congrès historique qui a vu un père céder la place à sa fille. Gageons que dans quelques semaines, quand l'agitation se calmera, les scores de Mme Le Pen vont se tasser.
De plus, à partir de maintenant, Marine Le Pen va devoir gérer en direct le FN, sans la couverture et l'autorité de papa. Or, le Front National est loin d'être uni. Bien au contraire, il s'agit d'une nébuleuse où gravitent intégristes catholiques, nationalistes, nostalgiques de l'Algérie française, autant de familles qui s'entendent mal et qui ont déjà commencé à se diviser (Tribune de Genève, le figaro). En outre, il faut préciser que ce parti est exsangue financièrement, et que Mme Le Pen s'il elle veut prover qu'elle est capable de gérer une nation, devra prouver d'abord qu'elle peut gérer un parti.
Pour finir, je parlerai du contenu du nouveau discours du FN, lequel est manifestement plus large qu'avec Jean-Marie Le Pen. La nouvelle présidente n'hésite pas à s'aventurer sur les terrains économiques et sociaux, fustigeant la mondialisation, le libéralisme économique, relèguant au second plan l'immigration et l'insécurité, pirres angulaires de la pensée frontistes. Cela ne va pas sans choquer nombre de militants, voire d'électeurs. Surtout, avec ce nouveau discours, elle espère séduire les classes populaires de gauche, or elle laboure aussi sur le terrain idéologique du NPA et du Front de gauche, et sur ces questions, ils sont bien plus crédible qu'elle. Elle prend donc le risque de valider leurs thèses (on ne va pas s'en plaindre), et donc de ramener les électeurs populaires dans leur giron d'origine.
Ma conclusion sera simple. L'agitation médiatique autour du FN de ces derniers jours rappelle simplement que ce dernier est toujours là, et garde sa capacité de nuisance. Ni plus, ni moins qu'avant, ce qui est déjà pas mal. Je ne crois pas à un changement de discours censé rendre une image plus policée du FN.
PS : On trouve les chiffres du sondage sur le site csa.
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