Michel Dugué a accepté de compléter son important article sur l’œuvre de Jean-Paul Hameury par une sélection de quelques-uns de ses textes pour "l’anthologie permanente" de Poezibao.
Tu voulais déposer enfin
ce paquet de hardes
cette puanteur.
Tu avais hâte d’en finir.
Désormais, tu n’attends plus
ne veux plus.
Que le porche s’ouvre
ou demeure fermé
n’est plus souci.
Tu veilles dans le rien
comme flamme dans les ténèbres
brûlant seul.
(Brûlant seul)
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Nous ne sommes venus
que pour dire cela :
nous allons partir.
Il ne restera rien nulle part
de nos errances
et rien de nos murmures.
Le temps n’a qu’un souci :
chaque jour réparer
les laisses déchirées
par ceux qui voulaient demeurer
(Le Chemin du fleuve)
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Le siècle
Les eaux ont déserté la mer d’Aral.
Comme les beaux navires d’autrefois
nous voici nous aussi échoués
dans le siècle ensablé.
Prenant refuge dans la langue
maternelle, espérant y être à l’abri
de tout, nous nommons
la perte et l’absence.
Et il arrive parfois
que l’échine des loups
sur les parois de la caverne
paraisse moins terrible.
(Exils)
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Tant qu’il me sera accordé
de donner nom et forme
à ton absence, tu resteras
sur le seuil où se croisent
ceux qui entrent
et ceux qui s’en vont.
Mais quand seront décolorés
et sans force les mots,
tu t’en iras sans te retourner.
Dans la maison, alors,
je fermerai fenêtres et portes
et tenterai d’oublier
le dehors trop vaste.
(Requiem)
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Que le domaine soit fermé
sur trois côtés seulement.
Que la clôture laisse pénétrer
l’effroi l’absence la mort.
Que l’obscur
comme toute chose d’ici-bas
trouve place parmi nous
et séjourne dans la lumière.
(L’obscur)
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Ne sait plus.
Ne sait plus être ni faire
ne sait plus que piétiner le sol
sans germer ni croître.
Ne peut plus que s’enliser dans l’ornière
sans distinguer l’en deçà de l’au-delà
sans voir ni terre ni mers.
N’est plus que pièce
parmi d’autres jetée
sur l’enclume du temps
et martelée
et martelée.
(Voix dans la nuit)
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N’ayant rien à gagner
et rien à perdre
je n’appartiens à rien
ni à personne.
Mes craintes mes douleurs
ma détresse sont miennes.
Ma mort sera mienne.
Et mon cadavre sera enfoui
sans nom sans oraison
dans la fosse commune.
(Derniers rivages)
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Les vents du soir ont emporté
les feuilles noircies du grimoire
où – réduit désormais à rien –
j’avais noté mes faux pas
mes manques et mes égarements.
Une fois le seuil franchi
évanouie toute mémoire !
La mer s’éloigne mais dans le sable nu
ma main trace encore quelques signes :
derniers messages jetés aux vivants
pour dire à ces regards
peuplés d’insolentes questions
que le temps – peut-être –
m’aura manqué pour tenter
de redonner aux mots
l’évidente clarté
qui leur fait défaut.
(Errances)
Jean-Paul Hameury, extraits de ses différents livres, choisis par Michel Dugué (voir cet article)
bio-bibliographie de Jean-Paul Hameury
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