Les évènements de Tunisie ont pris de court la classe politique française, et le gouvernement Sarkozy en particulier. Samedi, le Monarque français a tenté de faire bonne figure. Mais l'échec est là. Sarkozy a raté la première révolution populaire dans un pays arabe.
Sarkozy retourne sa veste en Tunisie
Il lui a fallu plus de 24 heures pour accepter la réalité. Samedi, Nicolas Sarkozy a fait officiellement savoir qu'il appelait à des élections libres en Tunisie. Quelques heures auparavant, le conseil constitutionnel tunisien avait prononcé la vacance du pouvoir présidentiel, et annoncé, en conséquence, la tenue d'un scrutin présidentiel dans les 60 jours. La veille, l'autocrate Ben Ali avait filé en Arabie Saoudite, laissant son premier ministre gérer l'intérim. La démocratie est loin d'être acquise. Mais la Sarkofrance s'était contentée, après une réunion de plus d'une heure à l'Elysée, d'appeler au dialogue et de prendre acte de ce départ. Sur Internet, les montages video montrant Sarkozy embrassant Ben Ali tournaient en boucle. Si Ben Ali a fuit en Arabie Saoudite, quelques-uns de ses proches se sont réfugiés à Disneyland, en banlieue parisienne...
Le candidat Sarkozy a donc décidé de réagir. Sauve qui peut à l'Elysée ! Samedi, l'Elysée publie enfin le communiqué que tout le monde, surtout en Tunisie, attendait depuis des semaines : « Depuis plusieurs semaines, le peuple tunisien exprime sa volonté de démocratie. La France, que tant de liens d'amitié unissent à la Tunisie, lui apporte un soutien déterminé.» Une nouvelle réunion avait eu lieu sur la situation tunisienne. A en croire quelques confidences, le monarque a lâché ses nerfs : « Il va falloir que les ministres régaliens s’organisent pour être à Paris quand il y a des événements d’importance! ». Il faisait allusion à l'absence, vendredi soir, de Brice Hortefeux, Michèle Alliot-Marie, Alain Juppé, et François Baroin. « Hier matin, on ne savait même pas comment s’est réellement organisé le départ de Ben Ali » a confié un membre, anonyme, du gouvernement. Il va falloir s'y faire, s'habituer à assumer l'échec : Nicolas Sarkozy est passé à côté de la première révolution populaire dans un pays arabe. Samedi, les ministres absents, sauf Juppé, s'étaient précipités à l'Elysée, rejoint par Henri Guaino, Bernard Squarcini
La présidence française a fait savoir samedi que « les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement.» Incroyable ! Quand il s'agissait des « biens mal acquis » d'un quarteron de chefs d'Etat africains, le ministère de la Justice de Sarkofrance s'est opposé avec une régularité incroyable contre les plaintes pour détournement de fonds publics déposés par des associations anti-corruption. Deux poids, deux mesures... En avril 2008, lors d'un dîner commun, Sarkozy citait Flaubert pour complimenter son hôte Ben Ali : « en Tunisie le climat est si doux que l'on oublie d'y mourir. » Le 15 janvier 2011, Michèle Alliot-Marie explique que le gouvernement français voulait rester neutre, et éviter que toute réaction trop volontariste de sa part ne provoque une radicalisation du mouvement contestataire : « nous sommes hantés par le traumatisme des élections en Algérie .»
Niger : la réaction infantile de Nicolas Sarkozy
Jean-Dominique Merchet, sur Marianne2, revient sur l'opération ratée de sauvetage des deux otages français au Niger la semaine dernière. Il pose les bonnes questions et apportent les bonnes réponses.
Le problème de l'argumentaire sarkozyen qu'on nous a trop rapidement servi dès samedi 8 janvier dans la soirée est qu'il est flou, peu précis, incomplet, maladroit.
On ne nous parle pas d'échec. Or la mort de deux otages est un échec. Jamais les officiels de Sarkofrance n'ont expliqué ni assumé que leur objectif prioritaire était de capturer voire tuer les ravisseurs. On aurait pu comprendre qu'Aqmi, la branche d'Al Qaida au Maghreb, n'était pas un interlocuteur avec lequel il était possible de négocier. Si l'objectif était alors de secourir les deux otages, l'opération a été un échec. C'est grave, mais il faut le reconnaître et il y a fort à parier que le gouvernement aurait obtenu un large consensus national de toute façon. Or Sarkozy, Fillon et Juppé répètent ont tenté de nous faire croire, sans preuve puisque l'enquête n'avait pas démarrer, que les otages avaient été exécutés avant l'intervention des forces spéciales françaises. On comprend des premières constatations que c'est peut être faux, au moins partiellement.
Cette incapacité de Nicolas Sarkozy à assumer les difficultés et les échecs est symptomatiques d'une présidence infantile. Le monde est dure, la réalité est souvent grise, et on attend d'un chef d'Etat qu'il porte un regard adulte sur l'ensemble. Chef, Sarkozy l'est assurément. Chef d'Etat, il ne l'est toujours pas.
Liban : Sarkozy joue son va-tout avec Al-Assad
Au Liban, le gouvernement de Saad Hariri est tombé mercredi 12 janvier. Les ministres du Hezbollah pro-syrien ont démissionné. L'acte d'accusation du tribunal de l'ONU sur l'attentat qui coûta la vie à Rafix Hariri, ancien premier ministre et père de l'actuel chef de gouvernement, est attendu lundi 17. Le quotidien Le Monde a affirmé que des « accusations viseraient des membres du Hezbollah ».
Le 14 juillet 2008, Nicolas Sarkozy célébrait à Paris son projet d'Union pour la Méditerranée, depuis tombé aux oubliettes. L'invité d'honneur était Bachar Al Assad, l'autocrate syrien. Sarkozy voulait montrer qu'en se rapprochant de la Syrie, il était efficace sur quelques dossiers chauds comme le sort du Liban. Quand l'otage française Clotilde Reiss fut libérée en Iran, l'Elysée expliqua que le nouvel allié syrien avait joué un rôle déterminant et positif dans cet heureux dénouement. On sait depuis, grâce aux révélations de Wikileaks, qu'il n'en était rien : à l'époque, des conseillers présidentiels avaient confié à des diplomates américains qu'ils étaient incapables d'affirmer que la Syrie avait agit d'une quelconque sorte.
Mercredi soir, Nicolas Sarkozy a appelé Bachar Al Assad. Il « s'est félicité du dialogue permanent que la France et la Syrie entretiennent au plus haut niveau à cet égard », pouvait-on lire dans le communiqué officiel. Il a expliqué souhaiter « que la concertation internationale contribue à aider les Libanais à surmonter cette phase délicate dans le plein respect des institutions démocratiques libanaises, de l'indépendance du Liban et de ses engagements internationaux. » Le lendemain, il recevait Saad Hariri. Cette crise libanaise est la première véritable occasion de tester la force de conviction de Nicolas Sarkozy envers son meilleur ami syrien.
De crainte que le pays ne bascule dans la violence, Sarkozy aurait ordonné à la marine française de se joindre aux forces américaines stationnées au large du Liban. On est jamais trop prudent.