J'ai fuis mon village berbère
Ma vie de bergère
Et la colère de mon père
Sous un soleil de pierre
J'ai marché dans la poussière
Jusqu'à la ville frontière
Pour n'être plus qu'une étrangère
Je voulais voir la France et ses lumières
J'ai cru qu'aujourd'hui comme hier
Avait court les idées révolutionnaires
Que là bas nous étions tous frères
Que loin était la misère
Sous son soleil de chair
Je suis devenue l'étrangère
Je rêvais qu'ici je pourrais être fière
Mais la joie hélas fut éphémère
Dans la ville incendiaire
Sous son soleil de fer
Je suis restée solitaire
Dans la rue souvent j'erre
Je ne suis qu'une étrangère
J'ai vu des regards austères
Me prendre dans leurs serres
Et le racisme ordinaire
Traverser leurs yeux en colère
Sous un soleil de verre
Me montrer que j'aurai beau faire
Je resterai une étrangère
Je suis devenue caissière
Une petite épicière
Je vis en célibataire
Avec mes colocataires
Sous un soleil de calcaire
Je ne puis faire marche arrière
Je vis ici en étrangère
J'ai rencontré un universitaire
J'avais l'air de lui plaire
Sous un soleil qui m'éclaire
Mais il fit marche arrière
Préférant faire carrière
Et les langues de vipères
Je suis restée l'étrangère
Un soir sous une porte cochère
Dans un soleil crépusculaire
J'ai rencontré la peur singulière
Ce froid qui vous lacère
En croisant la haine familière
Le sang jaillissant de mes artères
Fait de moi une étrangère
Dans les hebdomadaires
Il n'y aura pas de commentaire
Ma vie restera un mystère
Je quitte cette terre
Moi, la fille du désert
Sous une pluie d'enfer
En terre étrangère