Lou
dimanche 20 janvier 2008
Le Rapport de Brodeck
"Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache.Moi je n'ai rien fait, et lorsque j'ai su ce qui venait de se passer, j'aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu'elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer.
Mais les autres m'ont forcé : "Toi, tu sais écrire,m'ont-ils dit, tu as fait des études."..."Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses. ça suffira. Nous on ne sait pas faire cela. On s'embrouillerait, mais toi tu diras, et alors ils te croiront."
Présentation de l'éditeur
Le métier de Brodeck n'est pas de raconter des histoires. Son activité consiste à établir de brèves notices sur l'état de la flore, des arbres, des saisons et du gibier, de la neige et des pluies, un travail sans importance pour son administration. Brodeck ne sait même pas si ses rapports parviennent à destination. Depuis la guerre, les courriers fonctionnent mal, il faudra beaucoup de temps pour que la situation s'améliore. «On ne te demande pas un roman, c'est Rudi Gott, le maréchal-ferrant du village qui a parlé, tu diras les choses, c'est tout, comme pour un de tes rapports.»
Brodeck accepte. Au moins d'essayer. Comme dans ses rapports, donc, puisqu'il ne sait pas s'exprimer autrement. Mais pour cela, prévient-il, il faut que tout le monde soit d'accord, tout le village, tous les hameaux alentour. Brodeck est consciencieux à l'extrême, il ne veut rien cacher de ce qu'il a vu, il veut retrouver la vérité qu'il ne connait pas encore. Même si elle n'est pas bonne à entendre.
"À quoi cela te servirait-il Brodeck ? s'insurge le maire du village. N'as-tu pas eu ton lot de morts à la guerre ? Qu'est-ce qui ressemble plus à un mort qu'un autre mort, tu peux me le dire ? Tu dois consigner les événements, ne rien oublier, mais tu ne dois pas non plus ajouter de détails inutiles. Souviens-toi que tu seras lu par des gens qui occupent des postes très importants à la capitale. Oui, tu seras lu même si je sens que tu en doutes..."
Brodeck a écouté la mise en garde du maire.
Ne pas s'éloigner du chemin, ne pas chercher ce qui n'existe pas ou ce qui n'existe plus. Pourtant, Brodeck fera exactement le contraire.
Mon Avis – Ma Critique
« Je ne suis rien, je le sais,
mais je compose mon rien
avec un petit morceau de tout »
Victor Hugo
Dans ‘Le Rapport de Brodeck’, les contours du temps sont vaporeux, l’espace incertain. Il ne faudrait jamais dire par avance, à quiconque irait lire ce livre, où se situe l’action, encore moins à quel moment, ni même qu’elle est la raison du crime.
Philippe Claudel prend le parti de ne pas nommer. Mais son écriture et ses descriptions sont telles que la peinture des lieux et du temps naît peu à peu dans notre tête... nous laisse imaginer les décors, les gens, les crimes, les coupables, les raisons...
On l’apprend peu à peu... à demi-mot, dans un récit douloureux, cruel, mais tendre... débordant de vérité sur les « étrangers ». Ce rapport de l’auteur se fait par le biais du rapport de Brodeck... mais surtout par le biais de ses souvenirs, depuis son arrivée au village, juqu'au au jour de l’ «Ereignïes», en passant par sa vie d’édutiant et le récit de «Chien Brodeck»
Les causes de chaque événements de ce récit se découvrent petit à petit... au juste moment, avec une liberté déconcertante dans l’évolution de la narration.
C’est cette construction virtuose qui nous emporte dans les profondeurs mysétieuses et subtils de ce récit... au milieu d’entrelacements, de ruptures, de non dits, d’aveux...
Qu’il nous raconte l’histoire de cet étranger, arrivé au village on ne sait trop pourquoi, cet homme différent des autres, de ces villageois... ou sa propre histoire... Claudel nous trace le portrait de la différence, de "l’étranger", de cette altérité entre les hommes qui unit et désunit...
Où se cache réellement Claudel derrière Brodeck ? Où se cache réellement Brodeck derrière Claudel ? Le tout est si fluide, si naturel... qu’on pourrait féliciter Brodeck pour sa plume particulièrement soignée et pleine de jolies métaphores (qui n’en alourdissent pas pour autant le récit)...
et parallèlement, soutenir Philippe Claudel pour les souffrances vécues, s’attendrir avec lui quand les moments s’y prêtent...
Brodeck et Claudel ne sont qu’un... Ils font tous les deux appel à nos sentiments les plus profonds... là où chaque ligne ne se lit plus, mais se vit.
Philippe Claudel
J’entends souvent dire, aujourd’hui, que la littérature française ne sait plus rayonner... que peu d’auteurs ont un style qui puissent leur permettre de rivaliser les Sartre, Proust et Zola...
A mes yeux, ici, Philippe Claudel a écrit autant un chef d’œuvre qu’Albert Camus lorsqu’il publiait « l’étranger »... Thème qui soit dit-au passage est traité du manière un peu similaire entre ces deux romans
Meuse l'oubli, 1999Quelques-uns des cent regrets : 1999J'abandonne 2000Le Café de l'Excelsior, 1999Barrio Flores : petite chronique des oubliés , 2000
Le Bruit des trousseaux, 2001Les Petites mécaniques,2002, (nouvelles)Les Âmes grises, 2003, Trois petites histoires de jouets, 2004, La Petite fille de Monsieur Linh, 2005Le Monde sans les enfants, 2006Le Rapport de Brodeck, 2007
Libellés : Côté bouquin
posted by Lou at dimanche, janvier 20, 20080 Comments:
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