C’est en courant sous la pluie à en perdre haleine que je commence à me dire que cette soirée débute mal. A peine arrivé chez moi, soulagé, à bout de souffle, j’attrape ma carte et repars en me demandant ce que j’ai dit à Rick et Odie en partant. Ai-je pensé à leur dire de ne pas m’attendre devant le ciné et d’entrer faire la queue devant la salle ? Avec tout ça, je commence à en douter, et à redouter de les trouver tous deux m’attendant devant le cinéma pendant qu’une queue monstre se sera formée devant la salle, nous promettant à une place trop excentrée et trop près. Une crainte qui me fait les appeler dix fois sur leur portable entre chez moi et le cinéma, espérant qu’ils décrochent, et me rassurant en me disant « Baaah, ils y auront pensé, ils ne m’attendront pas ».
Mais lorsque j’arrive enfin, trempé et toujours plus à bout de souffle au cinéma, je constate qu’ils ne sont pas entrés, et qu’une belle queue attend l’ouverture de la salle 6. Je plaide coupable pour mon comportement envers eux durant les 15 minutes qui suivirent. Je crois que je les ai un peu engueulés, bon pas méchamment non plus, hein, mais j’ai bien du leur balancé (sans hausser le ton, juste avec une évidente déception…) quelques « Quoi vous êtes encore là ? Vous êtes pas entrés ? Mais pourquoi vous êtes pas allés faire la queue ? J’ai couru sous la pluie comme un malade pour rien, pour qu’on se retrouve mal placés ? C’est pas vrai ! Pour la peine je vais aux toilettes… » et je me suis barré aux toilettes. Quand je suis revenu, mon pote Rick essayait bien de désamorcer le malaise par un « Tu me fais penser à Sheldon dans The Big Bang Theory », ou un « On ne voulait pas entrer et que toi tu n’aies pas de place », mon énervement contenu demeurait. Oui, je boudais fortement. Bien sûr, rétrospectivement, je n’avais pas à leur en vouloir comme ça, mais après le coup des plombs plus tôt et la course sous la pluie, la tournure de la soirée commençait à sérieusement tester mes nerfs.
Le quatuor est de nouveau assis, chuchote encore bruyamment. Le film, pendant ce temps, a bien pris son départ, mais moi comme mes amis, proches de la zone de conflit, avons manqué une bonne partie de ce qui se disait ou se passait, d’autant que l’on guette encore les zigotos du bout du rang avec leurs chuchotements. Mais une minute plus tard, l’employé du cinéma revient avec des renforts et se dirige tout droit vers les dérangeurs. Ca sent l’éviction de la salle à plein nez. Bingo. Les deux filles et les deux garçons sont gentiment escortés vers la sortie de la salle. Au début j’ai cru qu’il s’agissait de spectateurs qui ne se connaissaient pas qui se fritaient pour une question de comportement, mais à les voir s’en aller sans discuter, et habillés tous quatre quasiment des mêmes fringues, il semblerait qu’ils étaient venus ensemble voir le film.