Alors que Marine Le Pen prend, comme prévu, la succession de son père à la tête du Front National en France, la nouvelle présidente devrait chercher à "normaliser" le FN tout en faisant de la dénonciation de l’islamisme radical son leitmotiv de campagne électorale. Un sujet d’autant plus sensible et populaire, estime notre éditorialiste, que les responsables politiques, de gauche comme de droite, cherchent à l’éviter à tout prix. Mais d’autres annonces, comme celle sur la sortie de l’euro en cas de victoire en 2012, ne trahissent-elles pas les pesanteurs de l’héritage paternel ?
Confortablement élue avec deux tiers des voix sans "humilier" son concurrent Bruno Gollnisch, Marine Le Pen succède "intelligemment" à son père à la présidence du Front National : elle préserve, pour le moment, l’unité d’un parti souvent fragilisé par ses multiples composantes internes. Forte de cette nouvelle légitimité, renforcée par des sondages qui la créditent d’environ 20% d’opinions favorables, Marine Le Pen devrait rapidement conduire l’aggiornamento de sa formation pour tenter de l’inscrire dans la "normalité" du paysage politique français. Les critiques formulées par plusieurs responsables de l’UMP sur la "ressemblance de la fille avec son père" trahissent en creux la grande crainte des conservateurs classiques : celle de voir apparaître sur leur flanc droit une structure partisane susceptible d’être tenue pour compatible avec les principaux fondements républicains. Celle aussi d’être débordée sur des sujets que le parti présidentiel se refuse à évoquer afin d’éviter une distanciation du Centre, réservoir vital pour la prochaine échéance présidentielle. Autres articles avec des tags similaires
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Du Quick halal à la prière de rue
Du Quick halal à la prière de rue, Marine Le Pen a, quant à elle, clairement affiché ce qui sera sans doute son thème majeur de campagne. Quitte à l’entretenir d’une habile rhétorique (voir notre article) elle tente de canaliser l’angoisse des Français sur les dangers de l’islamisme radical, concept qu’elle a toujours pris un soin méticuleux à différencier de l’islam. Outre le fait qu’elle soit la première femme à diriger un mouvement d’extrême droite, l’abandon du ton haineux et de la phrase assassine ne lui suffiront sans doute pas pour adoucir l’image encore sulfureuse du FN. Les "déçus du sarkozysme" l’attendent sur des sujets de société où elle devra nettement se démarquer de son père. Et sur l’économie : ses intentions, par exemple, de faire sortir la France de l’euro en cas de victoire en 2012 flattent sans doute une partie de l’électorat nationaliste paternel mais l’éloignent définitivement de ceux et celles qu’elle cherche à atteindre au-delà. Certains, plus à droite qu’à gauche, se réjouiront de ces pesanteurs d’un héritage qu’elle accepte sans les précautions d’inventaire.
Jean-Luc Vannier, le 16/01/2011