Les tunisiens viennent de livrer un extraordinaire message d’espoir à toutes les populations opprimées, muselées et ignorées par leurs gouvernants. On n’a pas cessé de dire, d’affirmer et de confirmer que Ben Ali est un rempart contre les intégristes, un barrage contre l’immigration clandestine, un garant d’un équilibre stratégique, économique et social en Afrique du Nord. Une sorte de Superman à la sauce maghrébine saupoudrée d’un zeste d’arrière pensée occidentale. Le plat aussi bien cuisiné aurait pu bien prendre. Et il a pris deux ou trois années le temps que les visites inopinées d’un Président à l’entregent inhabituel fassent de l’effet sur le public des démunis, les crédules et la classe moyenne. Après, peu à peu la routine s’est installée et les vieux réflexes de l’adoration sans borne à celui qui gouverne le pays ont repris leur place dans un paysage que le prédécesseur et estimé Bourguiba a installé avec un naturel de bon aloi, je parle de ses premières années. Parce que après le combattant suprême au lieu de partir combattre la sénilité et profiter d’une retraite bien méritée il a été “maintenu” au pouvoir par son entourage pour perpétuer les avantages et les acquis à leur profit. Lui, il a quitté la scène politique sans avoir détourné le moindre dinar, normal, il considérait le pays comme sa propriété! La seule différence entre le règne de Bourguiba et celui de son tombeur réside dans le fait que le premier a combattu pacifiquement la colonisation française, a réalisé de grandes choses pour le pays, a inscrit son nom dans l’histoire mais n’a pas su partir au beau moment et le second a donné l’occasion à son épouse et à son entourage de faire de la Tunisie, un pays pour gérer leurs affaires en puisant dans les deniers publics et a fini une carrière de 50 ans de politique, chassé du pouvoir par la seule volonté du peuple. Le règne sanguinaire de Ben Ali a marqué profondément les esprits et l’Etat policier qu’il a constitué durant ses 23 ans de pouvoir absolu mérite d’être publié pour l’éternité dans les manuels d’histoire. D’ailleurs, l’histoire avec un grand H retiendra que le peuple tunisien par son sacrifice humain, son abnégation et son courage a mis fin à l’arbitraire, à l’injustice et à une dictature redoutable. Les autres pays arabes et les voisins maghrébins devraient prendre l’exemple.
Durant maintenant presque un mois je passe mes jours et mes nuits sur internet pour avoir des nouvelles sur ma Tunisie. J’ai visionné des centaines de vidéo, j’ai partagé autant de liens avec mon entourage. Cette révolution ou ce soulèvement populaire appelez-le comme vous voulez a réussi grâce et surtout à l’héroïsme de nombreux tunisiens. Mais il faut reconnaître le rôle oh combien important d’internet en général et de Facebook en particulier. Des informations à la pelle presque en direct, bruts dans la plus part du temps, de l’intox des fois, des montages maladroits, des exagérations, des vérités incontournables ont supplié le déficit de la presse tunisienne jusqu’au bout. En résumé, le peuple tunisien a gagné et mérité sa révolution tout en assurant lui même la couverture et le partage de l’information. Quelle belle leçon! Ce modèle de la révolte tunisienne mérite d’être exportée ailleurs!
Photos Maurizio Giuliani