Il me semble que les processus d'apprentissage sont aux compétences (processus dynamiques) ce que le socle commun est aux connaissances (stock).
Dans toute transmission il y a un émetteur et un récepteur et du point de vue du récepteur, il y a une intériorité et une extériorité, une origine et un objectif.
Les processus d'apprentissages et le socle commun sont associés à l'intériorité individuelle, à l'origine, au départ. Ils constituent une transformation personnelle interne. Il n'y aurait pas, pour le système scolaire, de négociation possible sur le niveau d'intériorisation des éléments du socle sous-entendu que les élèves auraient été informés et entrainés aux processus d'apprentissage accompagnant ce niveau minimal d'acquisition demandé. Il me semble que cette exigence minimale doit aller de pair avec l'enseignement des moyens d'y parvenir. Or énoncer un contenu ou demander une compétence ne dit rien sur la façon dont ceux-ci se mémorisent ou s'intériorisent par l'élève, sur les processus qui accompagnent leur fixation interne. Or celle-ci n'est jamais enseignée ou presque. C'est toujours le concept disciplinaire (même s'il est interdisciplinaire) qui est expliqué, ressassé, et en fait demandé. Rien ou très peu n'est dit sur la manière dont celui-ci s'intériorise.
De l'autre coté, la demande d'une restitution ouverte se projette en évaluation de connaissances ou de compétences acquises dans un champ donné. Il s'agit d'un objectif, qu'il soit statique ou dynamique. Si l'évaluation par compétences peut s'avérer plus positive que l'évaluation de connaissances, c'est que bien souvent celles-ci sont nommées ou choisies pour qu'il en soit ainsi. Demander à un élève une factorisation simple ou d'avoir la compétence de factoriser sont isomorphes, par contre demander à un élève une factorisation difficile et avoir la compétence de factoriser ne le sont plus. Si l'on veut l'isomorphie il faut ajouter à la mesure de la compétence, l'impératif de la réaliser dans un champ technique délicat.
On voit que dans l'évaluation des connaissances ou des compétences, la mesure se fait à postériori, à la fin et en externalité pour en fait conclure le plus souvent sur l'état intérieur de l'élève. Or l'effet mesuré n'est pas nécessairement corrélé à la cause et toute mesure positive externe est le témoin d'une absence de perturbation entre le l'état intérieur et sa restitution et non celui d'une présence d'activité cognitive adaptée. Il est de plus assez étrange que ces présupposés implicites d'activité cognitive interne ne fassent pas eux aussi l'objet d'un enseignement à moins que ceux-ci ne soient pas vraiment connus du système lui-même qui fait pourtant sans cesse appel à eux. Paradoxalement, l'enseignant est celui qui a eu le moins à réfléchir sur la question tout en étant le seul qui puisse y répondre! Il a en effet rencontré assez peu de freins sur le chemin de son apprentissage et n'a pas eu nécesairement besoin de leur explicitation pour assurer sa réussite.
Le système scolaire, lorsqu'il parle d'échec, ne mesure-t-il pas l'absence ou le faible niveau de processus d'apprentissages individuels au lieu de mesurer la présence réelle de stratégies d'apprentissages? En d'autres termes, le bon élève n'est-il pas celui qui répond positivement à l'injonction scolaire sans pour cela nécessairement comprendre comment est-ce que cela se passe en lui, et le mauvais élève n'est-il pas celui qui ne parvient pas à répondre positivement sans qu'on lui ai vraiment enseigné les stratégies d'apprentissages qui lui permettent d'intérioriser facilement la demande extérieure. Et pour poursuivre sur la même ligne, l'échec n'est-il pas une mesure de l'abandon par fatigue (au sens mécanique) et par absence d'enseignement de processus d'apprentissages et la réussite scolaire n'est-elle pas une simple mesure de l'adaptation à un environnement ou les implicites d'apprentissages ne sont pas enseignés?
En ce sens ne devient-il pas nécessaire d'enseigner les processus d'apprentissage en même temps que les contenus?