Dès l'époque de ma jeunesse, j'avais pris l'habitude de disparaître de temps à autre et de me plonger dans d'autres mondes afin de m'y rafraîchir; on avait coutume de se mettre alors à ma recherche, puis, passé un certain délai, de me porter manquant et lorsque finalement je rentrais, cela m'amusait toujours d'entendre les jugements que la science, ou ce qu'on appelle ainsi, avait portés sur ma personne et sur mes états d'absence ou de léthargie. Alors que je n'avais rien fait d'autre que ce qui était en accord avec ma nature et que font tôt ou tard la plupart des hommes, j'étais considéré par ces gens bizarres comme une sorte de phénomène, les uns voyant en moi un possédé, les autres un être béni des dieux et doué de capacités surnaturelles. Bref, je m'étais donc absenté de nouveau pour quelque temps. Après deux ou trois années de guerre, le monde actuel avait perdu beaucoup de son charme à mes yeux et je m'étais esquivé afin de respirer un autre air pendant un moment. En suivant le chemin habituel, je quittai la plaine où nous vivons et séjournai dans d'autres plaines en qualité de touriste. Pendant un certain temps, je vécus dans un lointain passé; insatisfait, je poursuivis ma quête à travers les peuples et les époques, j'assistai sur notre terre aux crucifixions, aux disputes, aux progrès et aux réformes habituels, puis je me retirai de nouveau pour quelque temps dans l'espace cosmique.
Magazine Voyages
D’Hermann Hesse, ce fragment, autrefois consigné sur mon cahier bleu, et que, depuis, malheureusement, je serais bien incapable localiser précisément :