Poezibao a reçu n° 157, dimanche 16 janvier 2011

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l'actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s'agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.
Marie Etienne, Le livre des recels, Flammarion
Marie Etienne, Haute Lice, José Corti
Marie Etienne, Les yeux fermés ou les variations Bergman, José Corti
Lionel Richard, Georg Trakl, entre improvisations et compassions, BF
André Velter, Paseo Grande, Gallimard
Revue , n° 9
Anise Koltz, Je renaîtrai, Arfuyen
Louise Warren, Attachements, L'Hexagone
Philippe Blanchon, Le Livre de Martin, La Termitière/La Nerthe
Valérie Canat de Chizy, Pierre noire, Éditions de l'Atlantique
Isabelle Normand, Les Sentiers du désir, Les Amis de la Poésie
Daniel Simon, Dans le parc, M.E.O
Philippe Quinta, Entre veille et sommeil, éditions Corps puce
Sébastien Colmagro, Le Chien dont je te parle, Librairie-Galerie Racine
Collectif, Haïti Haïcris, éditions Corps Puce
Alain Boudet, Pleine lune et bout de soie, éditions Corps Puce
Jean Foucault, Comptines de la pomme de terre, éditions Corps Puce
Revue Du Poil aux genoux, janvier 2011
Notices détaillées de ces livres et revues en cliquant sur " lire la suite... "

Marie Etienne
Le Livre des recels
Flammarion, 2011
320 p. - 19,50 €
parution le 19 janvier

Le Livre des recels réunit l'essentiel de la poésie de Marie Etienne antérieur à Anatolie - c'est-à-dire des textes composés sur une vingtaine d'année, de 1970 à 1990 environ. L'ouvrage est pourtant parfaitement original : non seulement parce qu'une partie de ces poèmes étaient demeurés inédits, mais parce qu'il propose une sorte de récit-cadre, des " scènes de la vie en prose " dans lesquelles Marie Etienne évoque sa trajectoire poétique. Ce va-et-vient constant entre l'écriture et la vie donne toute sa dimension - et sa pleine lumière - au Livre des recels. Les poèmes inédits du début, puis les extraits conséquents de ses premiers ouvrages - La Longe, Péage, Lettres d'Idumée, Katana notamment - prennent ainsi un tout autre relief, d'être sertis dans ce récit en prose où l'on découvre tout à tour l'origine d'une vocation et des fragments de poétique, à la croisée du monde réel et d'un paysage intérieur d'une troublante étrangeté. Plusieurs textes récents viennent conclure ce voyage ébloui, qui confirme l'importance d'une œuvre édifiée avec patience, à l'écart de la rumeur et des engouements du présent. (4 ème de couverture).
Marie Etienne
José Corti, 2011
192 p. - 18 €
parution le 20 janvier 2011
Certains écrits surgissent, pareils aux rêves dans le sommeil.
Ils imposent leur présence, tout en se dérobant à l'interprétation.
L'auteur doit s'en accommoder, les ordonner tant bien que mal, tapisserie finale.
Des fables qu'une voix, inconnue, lui raconte.
Des scènes qui se jouent sur son écran privé.
Des silhouettes aperçues.
Tels sont les éléments qui composent
Haute lice, que le temps, plus qu'elle-même, a fini par monter, et qui lui font cortège depuis presque toujours.
(Marie Etienne, 4 ème de couverture)
Marie Etienne
Les Yeux fermés
ou Les Variations Bergman
José Corti, 2011
256 p. - 19 €
parution le 20 janvier 2011

On a parfois le sentiment, dans la vie quotidienne, d'être soudain à l'intérieur d'un film ; ou bien qu'un film s'est emparé de notre part la plus secrète et l'expose à nos yeux en même temps qu'aux yeux des autres, sur un écran, Ingmar Bergman, mieux que tout autre cinéaste, a mis en relation le cinéma avec sa " chambre crépusculaire ". C'est en sa compagnie, avec son aide, que j'établis des relations, " les yeux fermés ", c'est-à-dire, avec les yeux du souvenir, entre le cinéma et la littérature qui comptent pour moi, les livres que j'écris et ma biographie. Une circulation plus intuitive que rationnelle, moins théorique que destinée à faire signe, et susciter chez le lecteur un travail mémoriel analogue.
(Marie Etienne, 4 ème de couverture)
Lionel Richard
Georg Trakl
entre improvisations et compassions
Lionel Richard et BF éditeur, 2010
13 €
" Étranges frémissement de mutation éprouvés physiquement jusqu'à l'insupportable, visions de ténèbres jusqu'à la certitude d'être mort, extases jusqu'à une raideur de pierre ; et persistance d'un état de rêve avec des rêves tristes. " (extrait d'une lettre de Georg Trakl du 19 février 1913.)
Spécialiste de l'Allemagne et des Expressionnistes, Lionel Richard présente ici, dans une édition bilingue, la traduction de vingt-neuf poèmes de Georg Trakl et rappelle ce qu'est l'Expressionnisme allemand. (4 ème de couverture)
André Velter
Paseo Grande
Un livre récital avec Olivier Deck
et sept poèmes-talismans avec Antonio Segui
Gallimard, 2011
14, 90 €
Paseo Grande, comme un pari fabuleux et fatal, sans fausseté ni repli possibles. Paseo Grande, comme un périple dans les périls où se réinvente le monde. Paseo Grande, comme un récital amorcé dans l'incessant va-et-vient de textes encore précaires et de mélodies soudaines. Ce livre est indissociable du mouvement complice qui l'a suscité et de l'environnement sonore, vocal et musical qui l'a inspiré. Les compositions et le chant d'Olivier Deck ont accompagné et parfois devancé l'écriture de ces ballades pareilles à des rêves éveillés, à des sursauts funestes, à des éclats de vie violente et fière. C'est pourquoi un tel recueil se devait, en plus d'être imprimé, de s'affranchir de son cadre et d'offrir, par une extension désormais possible du côté d'internet, quelques propositions d'écoute, quelques séquences filmées. S'aventurer ainsi en terrain découvert suggérait de s'adjoindre plusieurs talismans, aussi aléatoires que ceux qu'énumère Borges dans La rosa profunda, et les sept quatrains en images, réalisés avec Antonio Segui, ne comptent d'ailleurs que sur leur magie hasardeuse, explicitement ironique, pour assurer la protection rapprochée du Paseo Grande. ( voir le site d'André Velter)
n° 9
automne-hiver 2010
28 €
À signaler tout particulièrement dans ce numéro, un texte inédit de W.G. Sebald (un deuxième sera publié dans le numéro 10), un texte qui ne paraîtra pas en dehors de la revue, ne sera pas repris en volume, selon le souhait des ayant-droits. On y découvre Sebald au travail, en des pages préparatoires déjà très élaborées.
Également au sommaire de ce numéro de 400 pages : Cathie Barreau, Thierry Bouchard, Eva Cantavenera, Charles-Olivier Cingria, Jacques Damade, Laurent Danon-Boileau, Jérôme Duwa, David Herbert Lawrence, Claude Mouchard, Poètes de Czernovitz & François Mathieu, James Sacré, Inigo de Satrustegui, Salah Stétié, Jorge Teillier, Mary-Laure Zoss.
Anise Koltz
Je renaîtrai
Arfuyen, 2011
16 €
" La concision et la violence de l'écriture d'Anise Koltz apparaissaient avec un particulier éclat dans les récits largement autobiographiques de La Lune noircie, évoquant par l'âpreté et la crudité des images l'univers d'un Faulkner.
Ce nouvel ouvrage, Je renaîtrai, renoue avec la forme poétique. Son titre, brandi comme un véritable défi par cette femme de 82 ans, fait référence au premier texte du recueil : " J'ai escorté mon nom / jusqu'à l'oubli // Demain je renaîtrai / surgissant de l'argile // Mon ombre gravite déjà / autour d'une nouvelle effigie ". Mais plusieurs autres textes reprennent ce thème dans le présent recueil. Ainsi du poème intitulé " Autour de moi " : " Je veux renaître / oiseau de proie // Voir pousser sur ma peau / des plumes ébouriffées / par mes montées abruptes / mes descentes sanguinaires // Tandis qu'autour de moi / les anges tombent / et s'écrasent ". Ainsi encore de cet autre poème intitulé " Je renais " : " Je me mets au monde / Jour par jour // Je n'apporte ni commencement / Ni fin // Je renais dans la crasse / Et le sang ". Ce même thème se retrouve inversé dans le texte intitulé " Refus " :" Je refuse de renaître / ma route devient trop étroite // Sans repères / je marche avec une boussole / à l'intérieur de mon corps // Suspendue seulement au monde / par une épingle de sûreté ".
Dans ces différents textes reviennent des images qui semblent inspirées du Livre des morts égyptien : la vie humaine y apparaît comme une épreuve au-delà de laquelle s'ouvre pour l'âme la voie de nouvelles existences. Comme dans nombre d'autres livres d'Anise Koltz, mais d'une manière plus obsédante encore, les souvenirs personnels se mêlent à une sorte de liturgie, mystérieuse et inquiétante, où le destin des hommes se révèle comme dans un miroir, avec toute sa cruauté et son étrangeté. Les images venues d'une enfance affectivement très dure et des désastres de l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale se mélangent avec les références à la mythologie des dieux de l'Égypte ancienne. Ainsi dans cet autre poème, " Un avenir " : " Dans les paumes de ma mère / où tous les temps coexistent / je lis mon avenir // Ne me souvenant plus de ma première mort / je renais au besoin / réplique de moi-même ".
Telle est la force de la vision d'Anise Koltz d'arriver ainsi à transcender le destin personnel en le déchiffrant dans un autre espace spirituel, à la fois éclairant et tragique. Porteur de significations inépuisables, sans pourtant de consolation. " ( site de l'éditeur)
Louise Warren
Attachements
Observation d'une bibliothèque
L'Hexagone, 2010
" Je suis souvent debout, face à ma bibliothèque, en quête d'une révélation ou d'une apparition. Comme devant un paysage, je médite en laissant mon regard parcourir les lignes horizontales des tablettes, verticales des livres. Rangées de voix, de spectateurs, balcons étagés : ma bibliothèque est un théâtre "
Dans cet ouvrage qui tient à la fois du carnet de lectures, du journal d'écrivain et de l'inventaire, Louise Warren propose une autre forme de l'essai libre. Explorant la diversité de ses rapports aux livres, décrivant les mutations incessantes de sa bibliothèque, elle élabore une sorte d'autobiographie par les livres, un portrait de l'auteure en lectrice. Enfance, jeunesse, études, travail, famille, voyages, création et deuil se lient à des auteurs et à des titres. Dans une composition éclatée, faite de boucles et de cycles, l'essayiste relance l'art du fragment. Sous l'égide de Montaigne et de Borges, l'essai se construit comme un labyrinthe où l'écriture nous emporte, toujours variée, toujours imprévisible. Au lecteur, à la lectrice le plaisir d'aller de découverte en découverte, d'imaginer ses propres attachements.
L'attachement au livre comme art de vivre. (4 ème de couverture)
Philippe Blanchon
Le Livre de Martin
La Termitière/Librairie la Nerthe
20 €
Ces poèmes s'inscrivent dans un lieu et son l'histoire : faits énoncés ou passés à travers les mailles de la fiction. Lieux et Histoire visités par des personnages, Martin et Sandra, qui s'y trouvent confrontés...
Nous les suivons un jour et une nuit dans les deux parties de " La ville et le cercle ". L'histoire de Martin se poursuit comme on retrouve une ville, Toulon. Les livres, de James Joyce, Martin Eden de Jack London, notamment, traversent l'ensemble. Les citations (Cummings, Beckett...), les allusions (G. Oppen, Proust, Celan...) dessinent autant de personnages, de faits, de fictions, de paysages, d'exils, de passages... Mise en miroir par la composition : ces deux parties sont construites en sections de 5, 2, 4, 6, 1, 6, 4, 2, 5 poèmes.
La troisième partie " Novembre en place "est composée de poèmes de la main de Martin. Ils recouvrent une année. Leurs références y sont nombreuses, certaines récurrentes : Joyce (Stephen et Bloom), J. C. Powys (mythologie personnelle et relations amoureuses), Maïakovski (qui en 1921 revoit l'homme qu'il fut en 1915), Khlebnikov, Musil... Poèmes méditatifs dans lesquels la littérature est au cœur, mais aussi les sciences et la théologie. Ici chaque citation est replacée pour le besoin de la pénétration du sujet, de la saison, du mois, d'un état. La vie de Martin est ainsi reprise à travers ses lectures, ses "études" et ses silences enfin.
Après une journée et une nuit, c'est une année parcourue dans ce qui devient un retrait face à l'Histoire. Mais cette dernière se trouve, plus que jamais, centrale en ses derniers bouleversements et ses résonances persistantes.
Symétrie encore : " La ville et le cercle " et " Novembre en place " sont, chacun, composés de 70 poèmes.
Obsession de la fondation après la construction.
Le lyrique après/avec l'épopée. (4 ème de couverture)
Valérie Canat de Chizy
Pierre Noire
Éditions de l'Atlantique, 2010
13 €
" Je gratte la plaie pour sortie de l'œuf, la plume est mon grattoir. Je couds les mots sur l'étoffe du livre [...] J'approfondis mon rapport au monde, vers plus de légèreté ". (4 ème de couverture)
Isabelle Normand
Les sentiers du désir
Les Amis de la poésie, Bergerac
Mon double mon histoire / mon souffle ma vallée / tornade et volcan / chambre ravagée / là où à l'intérieur tremble / L'inexprimé
(p. 13)
Daniel Simon
Dans le parc
textes brefs
M.E.O., 2010
16 €
" Des vagues, des ressacs, du silence la nuit pique l'œil dans le soleil, ça repart d'un coup, sans nous, le livre est ouvert à la dernière page un chagrin vif nous prend, on lisse la couverture d'une main légère en regardant ailleurs tandis que s'éparpillent des phrases mises dans le but à bout des chimères nocturnes. " (p. 69)
Philippe Quinta
Entre veille et sommeil
Éditions Corps Puce
8 €
" Enfant / si tu te rappelles // Rêver / Cela signifiait / Voler en toute occasion /// (A un peu plus d'un mètre du sol) ". (p. 47)
Sébastien Colmagro
Le chien dont je te parle
Dessins Valérie Mouchet
Librairie-Galerie Racine, 2010
avec un CD
" À coups de pierres / j'ouvrira des fleurs / dont nul ne connaît / la prononciation "
Collectif international de poètes
Haïti Haïcris
(pour mémoire du séisme de Port-au-Prince)
Éditions Corps Puce
10 €
avec des poèmes notamment de Dan Bouchery, Françoise Coulmin, Gilbert et Maria Desmée, Alain Helissen, Jean-Paul Klée, Olivier Larizza, Mario Urbanet, etc.
Alain Boudet
Pleine Lune et bout de soie
Éditions Corps Puce
8 €
" Un mois / J'entends le verbe qui ronronne / dans le volcan frais de ta gorge // Des sons remontent volutes d'ombre / petite musique de ta nuit // Un mois et tu inventes le sourire / comme on dirait un premier mot / avec tout le sérieux / d'une parole / enfin découverte. " (p. 14)
Jean Foucault
Comptines de la pomme de terre
Illustration Brigitte Dusserre Bresson
Éditions Corps Puce
14 €
" Sous la lune / Belles patates // Mais qu'en faire / Vers Pampelune ? // A quat'pattes / Sans une tune ? //Sale Affaire " (p. 15)
Revue Du Poil aux genoux
n° 31, du 7 janvier 2011
avec notamment un petit tiré à part, un extrait de Mon corps est un texte impossible, d'Edith Azam