Au sein des médias et des laboratoires d'idées, des groupes de pression et des partis politiques, le débat le plus courant et le plus convenu porte sur la fiscalité. Ce sujet fait le bonheur de diverses officines qui ont su en faire un argument commercial pour vendre des quantités de choses censées nous faire économiser ces vilains impôts.
Résumons les termes du débat :
Les anti-impôts décrivent l'Etat comme le vilain Moloch, dévorant, insatiable, ses enfants, dans une logique incompréhensible, l'argent se perdant dans un Etat-monstre gigantesque.
Les pro-impôts, moins audible en notre époque consumériste et individualiste, défendent, au contraire, l'idée que les impôts permettent de faire vivre le collectif, de promouvoir la solidarité envers les plus pauvres et les plus faibles.
Le résultat de ce débat, nous le connaissons aujourd'hui, partout dans les pays démocratiques. Devant les pressions électorales et les impératifs concurrenciels de la globalisation, les gouvernements ont progressivement réduits l'impôt sur le revenu et limités les autres taxes. Dans le même temps, répondant aux besoins de service croissants des populations, s'adaptant à des sociétés de plus en plus complexes, les Etats ont augmenté leurs dépenses.
Ces décisions contradictoires entraînent des tensions de plus en plus importantes au sein des sociétés du monde entier. D'un côté, pour financer ce paradoxe, les Etats ont utilisé l'Emprunt, de l'autre, ils commencent à réduire leurs dépenses. Les citoyens doivent donc payer de plus en plus alors que les services répondant à leurs besoins sont réduits.
Comment alors tenter de sortir de cette situation? Ou plutôt quels correctifs et aménagements peut-on imaginer pour permettre à nos sociétés de continuer à fonctionner à l'avenir?
Certes, il faut continuer à gérer de manière responsable l'existant en assumant sa complexité mais il faut surtout innover et inventer de nouveaux mécanismes qui permettent de sortir des contradictions des systèmes fiscaux inventés au XXéme siècle. Le principal d'entre eux, utilisé de manière récurrente par les anti-impôts, se situe dans l'image du Moloch que j'utilisais plus haut : c'est l'écart, la distance qui sépare le prélèvement, la taxation, et l'utilisation concrète, la dépense au profit de la société de cet argent.
Cette distance a trois conséquences néfastes :
-elle entraîne une incompréhension: le citoyen taxé ne comprend pas pourquoi et à quoi sert l'argent qu'on lui a pris.
-elle entraîne des injustices : utilisant cet écart, certains groupes se mobilisent pour payer moins d'impôts, la lutte des classes trouve là une traduction concrète, qui profite en général aux plus puissants.
-elle ne permet pas les régulations. L'inertie du système génère des lenteurs et une paralysie qui entrave la réactivité. Ce phénomène est à l'origine des dettes.
Sans vouloir supprimer un système qui a fait ses preuves, je propose donc de le compléter par un autre système fiscal plus réactif et qui remettra "de l'huile dans les rouages". Ce système est celui des contributions incitatives, que j'ai inventé, en réaction à l'idée de taxe carbone, qui me semblait concrétiser tous les défauts décrits plus haut.
Une contribution incitative a trois caractéristiques principales :
-elle est étroitement délimitée à un objet précis et s'applique à un groupe particulier (notion de communauté d'intérêts) qui finance mais aussi profite intégralement de la recette de cette contribution.
-elle est très faible mais son augmentation est prévue et connue
-le prélèvement de l'année N est redistribué intégralement l'année N+1, il n'y a donc pas de dettes. L'assiette de l'impôt étant connu à l'avance, c'est l'assiette de la redistribution qui varie.
Ce mécanisme a trois avantages :
-il permet à la puissance publique d'agir en taxant les comportements dommageables tout en ne les supprimant pas car on sait, dans nos sociétés ouvertes, qu'il est de plus en plus difficile de contraindre et d'interdire radicalement.
-il facilite, au contraire, l'épanouissement des comportements vertueux, qui seront récompensés. En quelque sorte, il met chaque acteur devant ses responsabilités.
-il contribue au financement public, car la redistribution se fera uniquement au profit de dépenses d'investissement.
Bien entendu, il faudra doter ces contributions de mécanismes gommant les inégalités de revenus entre les contributeurs et bénéficiaires.
En conclusion, je voudrais insister sur quelques points :
Dans nos sociétés de plus en plus complexes, il faut envisager des mécanismes de régulation plus subtils que ceux du siècle précédent, les contributions incitatives en font partie.
Il ne faut pas mésestimer nos contemporains: Penser globalement le monde, agir localement. La grande majorité des humains de cette Terre sont instruits et responsables. Il faut juste leur donner les outils pour agir efficacement et justement. Il faut éviter les situations qui les déresponsabilisent et facilitent la dissimulation, le mensonge et les détournements d'argent et de sens !
Pour aller plus loin:
La France meurt à cause des taxes (petite histoire polie)
Grenelle de la fiscalité : quelle place pour l'environnement?
Faire évoluer le bonus-malus