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C'est qui, Louis Aliot ?

Publié le 15 janvier 2011 par Philippemeoule

(Source : Rue 89)

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Peu connu du grand public, l'avocat perpignanais est un discret. Dans ce café de Boulogne (Pas-de-Calais), pas grand monde ne doit savoir que ce quadragénaire est Louis Aliot, membre influent du Front national depuis 1989 et compagnon de Marine Le Pen.

De lui, on dit de plus en plus qu'il est la tête pensante de la candidate à la présidence du parti. Sa dernière initiative étant la mise en place du think tank Idées nation pour élaborer le programme pour 2012 de Marine Le Pen, qui vient de succéder à son père.

Connaître Aliot, « la boîte à idées », n'est pas inutile, ces idées là faisant leur chemin dans la société française, à croire certains sondages – 22% des Français se disent d'accord avec elles, selon un baromètre TNS-Sofres pour Le Monde/Canal +/France Inter.

Qu'est-ce que ce nouveau FN où il n'y aurait plus de place pour les « catholiques intégristes », « obsédés de la Shoah » et autres « pétainistes » comme le prétend Marine Le Pen ? Nous l'avons interrogé.

« Je suis rentré au FN après le “point de détail” de Le Pen »

Il commence par affirmer que son groupe de réflexion est constitué de « gens issus de la droite et de la gauche », profs, haut fonctionnaires, chefs d'entreprises, qui « pour l'instant ne veulent pas se dévoiler ». Leurs noms seront révélés pendant la campagne présidentielle et déjà il promet un universitaire issu du chevénementisme. L'objectif est clair, il s'agit de « crédibiliser » le Front national en parti de gouvernement.

Pour parvenir à « respectabiliser » le parti, Louis Aliot répète que le parti se renouvelle en accueillant des militants différents, que les extrémistes y sont minoritaires, etc. En 1989, à la date de son entrée au FN, les « obsédés de la Shoah » étaient légion au FN.

« Non. Attention, c'est compliqué. Moi, je suis rentré au Front après le “détail” parce que je considère que dire ce que Jean-Marie Le Pen a dit ne remettait pas en cause le reste.

Je pense qu'il n'aurait pas dû le dire surtout que j'étais très critique avec Mitterrand dont on savait lui qu'il avait collaboré au sens propre. Il avait plus de responsabilité. Le Pen c'est un mot, Mitterrand, c'est les mains dans le cambouis. »

Sur de Gaulle : « L'homme providentiel, ça on prend »

Il omet de préciser qu'après le « détail », Jean-Marie Le Pen a dérapé encore et encore, pour invoquer Charles de Gaulle.

« Le drame avec de Gaulle, c'est l'Algérie. Le Front est né là-dessus et les gens l'oublient. Le Front dans le sud était peuplé de pieds-noirs, de harkis et… de gaullistes, oui !

L'idée de l'homme providentiel, c'est de Gaulle, Napoléon avant lui. C'est l'idée de la souveraineté, de l'indépendance nationale, de l'autorité de l'Etat, de l'unité de la République, ça on le prend à 100%.

Je suis fils de pied-noir mais j'ai quand même mon libre arbitre. Il y a cette fracture sur la décolonisation mais il faut la dépasser. »

Il poursuit, tout en évitant soigneusement la moindre allusion à l'immigration ou à l'islam.

« Je suis catholique mais je garde ça pour moi »__

Lorsque je l'interroge sur la laïcité, Louis Aliot convoque la Bretagne :__

« Je ne sais pas pourquoi les Identitaires sont si médiatisés. Ça fait longtemps qu'on défend ça. En 2002, on avait déjà développé le concept. La laïcité pour moi, c'est la neutralité, c'est rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César, ce qui est à César. Je suis catholique mais je garde ça pour moi.

Je connais des musulmans et des juifs. Mais essayer de faire des revendications sur la base de sa communauté, de sa religion ou de sa territorialité, je ne suis pas d'accord. C'est aussi pour ça qu'on est en bisbille avec les Identitaires.

Les Bretons ils sont bien gentils mais la Bretagne sans la France, c'est plus la Bretagne quoi qu'ils puissent en dire, la Catalogne, le Pays Basque… ce sont des particularismes qui ne peuvent pas remettre en cause l'unité de la France. La France, c'est pas un puzzle, c'est un creuset. La laïcité, c'est ça. »

Plus on s'éloigne de la question de l'islam, plus le discours se fait spontané révélant une fidélité du FN à ses mauvaises habitudes.

« On est très Seconde Guerre mondiale quand même »

Prenons l'Histoire. Louis Aliot, nostalgique de l'Instruction publique, tient l'Education nationale pour responsable de l'échec de l'intégration des jeunes immigrés, et en partie de l'antisémitisme. Démonstration.

« On a dit aux gens qu'on la France, ndlr s'était conduit comme des salopards en Algérie, ndlr mais il faut voir comment se sont conduits les gens ailleurs. Les jeunes des banlieues se disent : “Les Français sont des salopards.” Qu'allons-nous faire avec des générations biberonnées à cette histoire. Ou à rien d'ailleurs.

Je suis stupéfait du niveau des jeunes. L'école, les programmes scolaires, les émissions télés, il faut rétablir l'équilibre dans tout ça. Je me souviens de mes cours, on apprenait les rois, on avait une vision depuis la préhistoire, la monarchie, la Révolution. Tout cela a disparu.

– Non, c'est toujours dans les programmes.

– On est très Seconde Guerre mondiale quand même. Trois ans au lycée.

– C'est important.

– C'est trop. Une fois qu'on a dit que c'était un régime assassin, on a compris. A force de marteler, ça devient suspect. Quand on nous parle de l'abominable Pétain, je dis d'accord mais j'ai vu une émission où on voit Paris en mars 44 noire de monde qui applaudit Pétain. »

J'ai vu ce documentaire, effectivement très impressionnant, mais je ne vois pas où il veut en venir. Je le lui dis.

« Les gens avaient l'air d'aimer Pétain. Mon père est né en 1937 et pendant la guerre, il m'a raconté qu'ils n'avaient qu'une préoccupation, c'était de manger, le reste ne leur importait pas.

Il faut replacer les choses dans leur contexte, sans exonérer, mais on a compris. Les gens en ont marre. L'antisémitisme est lié en partie à ça mais l'antisémitisme c'est marginal à part dans certains milieux.

– Dans votre milieu, non.

– Je vous dis que c'est marginal. »

La nationalité française, « ça s'hérite ou ça se mérite »

Sur les institutions, les propositions demeurent traditionnelles : réécrire la Ve République, renégocier l'Europe, modifier le mode de scrutin…

« On inscrira au préambule le refus de la communauté qui nous paraît contraire à la République une et indivisible.

On inscrira aussi la préférence nationale qui n'est autre que l'application de la citoyenneté. Il faut l'expliquer parce qu'on a prétendu que la préférence nationale était une préférence raciale. Non, c'est pour le citoyen français qu'il soit noir, blanc, vert, jaune avec des antennes…

– J'imagine que vous allez restreindre l'accès à la nationalité pour ça ?

– Oui, on ne peut plus “accueillir toute la misère du monde” comme le disait Rocard. Mais ceux qui veulent s'intégrer, qui veulent vraiment devenir Français, on ne va pas leur barrer la route. C'est un peu le slogan, ça s'hérite ou ça se mérite.

– Pour le reste ?

– Il faut récupérer la souveraineté. Si demain nous continuons dans ce système, sur des questions sociales, un jour ou l'autre, il y aura des troubles et les Français voudront récupérer leur souveraineté, décider de choses incompatibles avec les valeurs de leur Europe et là on fera quoi ? On mettra les troupes de l'Eurocorp, l'ONU, l'Otan ? »

« On ne peut pas sortir de l'euro » reviendrait… à collaborer

Quelques minutes après avoir parlé de la provocation de Marine Le Pen sur les prières dans la rue comparées à l'Occupation, Louis Aliot m'avertit que, sur l'euro, ce qu'il a à dire est choquant. Il laisse un temps :

« Vous savez à quoi ça me fait penser, l'histoire de “on ne peut pas sortir de l'euro” ? C'est comme l'histoire “on est occupés, il faut collaborer”. Mais un type a dit : “Non, c'est pas comme ça, il faut résister et reconquérir le territoire.” »

Manifestement, son ras-le-bol de la Seconde Guerre mondiale était feint. Son autre obsession du moment semble être de Gaulle.

« Pas un problème d'ethnies, mais de délinquance »

Inquiet de voir la « voyoucratie » s'emparer des banlieues, « on imagine mal du temps de de Gaulle autant d'insécurité dans les quartiers ».

Il met en garde contre les amalgames : « Ce n'est pas un problème de jeunes, ou d'ethnies, mais de délinquance. » Avant de se contredire lui-même en justifiant le premier (« voyoucratie ») par le second (« immigration ») :

« Avec le satellite, vous êtes en contact avec votre pays d'origine. »

« Notre message a été brouillé en 2007 … mais ça c'est fini »

Très confiant pour le Congrès de Tours, il l'est tout autant pour 2012. Merci qui ? Merci Nicolas Sarkozy.

« Récupérer notre électorat, l'UMP est née sur cette idée-là. Sarkozy s'agite depuis 2002 et il n'y a pas de résultat.

Sur les Roms ? Personne ne pense que c'est eux le problème. Ça a même été contre-productif, les Gitans du sud l'ont pris pour eux, une connerie monumentale.

Ils ont réussi en 2007, c'est indéniable, mais je ne vois pas comment ils peuvent le refaire. Notre message a été brouillé parce que pendant que Sarkozy faisait de la surenchère à droite, nous on faisait du Dieudonné et du Soral. Mais ça, c'est fini. »


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