Aussi modeste que majestueux, Arrietty transmets sa fièvre Carpe Diem sous les élans d’une narration simpliste et d’une technique irréprochable. Les studios Ghibli confirment une nouvelle fois que la réussite d’un film ne tient pas de l’opulence.
Plaire à tout le monde, voilà la mission prisée par 80 % des films d’animation. A trop vouloir plaire aux enfants, les films du genre tombent souvent dans un manichéisme à deux balles, et à trop vouloir étaler un travail adulte, ils se mordent la langue. Certains y arrivent les doigts dans le nez (Toy Story), mais la plupart restent déséquilibrés. Arrietty appartient à la première catégorie, nouvelle perle de l’animation japonaise et premier long métrage de Hiromasa Yonebayashi. Franchement simple, l’histoire mets en scène des chapardeurs, de petites personnes installées sous le plancher d’une maison mais n’entretenant aucune relation avec les humains. L’une de ces petites bestioles s’appelle Arrietty, jeune demoiselle de treize printemps qui a toujours eu peur de l’homme, une peur qui va s’effacer lorsqu’elle va rencontrer Sho, un jeune garçon venu se reposer à la campagne. Une cigale face à un géant, une amitié invraisemblable. On aurait pu craindre le pire, les contes reléguant souvent une histoire banale et insignifiante. Mais rien de tout cela dans Arrietty, pas un classicisme à vomir, mais un académisme dégagé où se mélangent poésie et adulation de la nature. On retrouve la pâte Miyazaki mais les commandes sont laissées à un jeune cinéaste déjà mature, imposant une trempe particulière où deux styles cohabitent. Arrietty est un poids léger de l’animation, un film modeste où une dimension écologique se dessine. S’il arrive à se démarquer, c’est surtout grâce à son jeu sur les émotions qu’il entretient avec des personnages charismatiques.
Chez les chapardeurs, la mère d’Arrietty s’inquiète pour un rien et s’angoisse dès que sa fille va faire un tour. C’est aussi une femme qui a du mal à s’émanciper de ses habitudes, terrorisée par un éventuel déménagement, cantonnée aux tâches ménagères et rêvant de voir la mer, un rêve pour laquelle elle ne jamais investit, du moins c’est ce que le film sous entends. C’est sur ce dernier point que se décèle l’idée du Carpe Diem, aussi présente chez Sho, jeune garçon au cœur malade. Quand il cours, quand il monte sur le toit de la demeure pour passer d’une fenêtre à une autre, quand il prends des risques, on sent qu’il vit pleinement et que son existence se dynamise, qu’elle prends de l’envergure et qu’elle échappe enfin à ce vieux lit de mort. Le père est un aventurier, voix ferme, visage carré, sac à dos, cordes et lampes, il est taillé à tout faire et réussit partout où il entreprends. Arrietty est aussi une animation amusante, chargée d’humour et imposant le sourire. C’est d’autant plus agréable que le rire est répartit lestement, du gros chat un peu grognon au corbeau qui se prends des coups de savate sur la gueule. Comment oublier la gestion de la taille, thème réfléchit et tout à fait maîtrisé. Pas facile pourtant de jouer avec les dimensions, mais Yonebayashi s’en sort comme un grand. Reste malgré tout quelques faiblesses, comme une ou deux scènes handicapantes (lorsque Arrietty s’agrippe à une corde pour accéder à la surface via un mécanisme de propulsion, le passage où on là voit dans les airs est particulièrement maladroit) et des dialogues parfois trop clichés. Pas parfait donc, mais terriblement captivant et bien rythmé. A l’exception d’une légère coupure à mi chemin, l’allure est joliment entretenue entre scènes dynamiques et sentimentales. L’action ne manque pas mais le premier rôle est attribué aux émotions, interpellant le spectateur d’une simplicité déconcertante. Le fond reste timide mais transmets un amour de la nature, une soif de vivre, et on en ressort avec l’envie de se perdre à la campagne. Sans égaler un monstre comme Le Château Ambulant, sans se vendre à la prétention, Arrietty s’érige parmi les animations idylliques.
Arrietty, le petit monde des chapardeurs de Hiromasa Yonebayashi. (Japon, 1h34, 2010)