Par Joshin Luce Bachoux
Dans notre tissage, il y a l’éclat du soleil, et l’argent de la lune, les couleurs de l’arc-en-ciel, et le noir de la tristesse et le blanc de la pure joie. Quand nous nous tournons vers Lui, il nous montre cette tapisserie : nous pouvons y voir les motifs qui s’entrecroisent et se répondent motifs de fête et motifs de chagrin ; passages sombres des mille instants de peine, joies qui traversent le dessin, comme un éclair dans un ciel d’été ; et les cailloux et les rivières, et les nuits et les jours, marées de nos vies.
Mais ceux qui ont le cœur pur, ceux qui laissent chaque instant les transformer, ceux qui disent oui aux cadeaux du monde... pour ceux-là, Dieu tisse dans le tissu le plus fin, le plus impalpable, tissu d’amour, tissu de don. Il y entre mille brins d’herbe dont la rosée rafraîchit les jours trop lourds, mille aubes pour éclairer les instants de nuit profonde, mille gouttelettes de pluie irisées et mille sourires pour nous accompagner quand le chemin est trop abrupt.
Quant à celui qui, les pieds pris dans la boue, refuse le pardon du monde... Ah ! pour lui, Dieu ne peut rien, car son cœur est fermé au chuchotement de l’amour. Et ils disent encore, ces Indiens qui respirent l’air pur des hautes montagnes, que celui qui n’entend pas Dieu ne voit pas non plus les couleurs qui réjouissent les yeux, l’or du maïs, morceau de soleil, le rouge de la terre, couleur de notre propre sang, ni les toutes petites plumes blanches qui entourent les yeux des aigles à leur naissance, il n’entend pas les cris joyeux des enfants, ni le chant des hauts plateaux. Ah! Pitié pour lui ! Qu’est-ce qu’une vie où l’on est seul, seul dans sa tristesse et seul dans sa joie?
Et sur ces hauts plateaux où, l’hiver, le gel fait craquer les os et les pierres, les femmes et les hommes aux cheveux noirs et aux yeux bridés, calmes et lents, marchent dans la lumière, mille pas qui tissent la trame du monde, mille gestes qui disent respect et grâce.
Regardez ! Cela chatoie sous nos yeux à chaque instant.
Joshin Luce Bachoux, nonne bouddhiste, a été ordonnée au Zuigakuin, un monastère de la montagne japonaise. Elle a ouvert, en 1991, la Demeure sans limites, à la fois temple zen et lieu de retraite, à Saint-Agrève, en Ardèche.