On se plaint souvent de la rareté et du manque d’ambition du cinéma de genre en France. Il faut avouer que les dernières tentatives à ce niveau se sont souvent soldées par des échecs, soit commerciaux, soit artistiques (voire les deux). Mais il existe tout de même une nouvelle génération de réalisateurs français qui tentent de redonner un peu de souffle à notre cinématographie nationale. Fred Cavayé, réalisateur d’A Bout portant, fait partie de ceux-là. Le jeune réalisateur avait déjà épaté pas mal de monde avec son premier long, Pour Elle (que personnellement je n’ai pas encore vu), à tel point qu’un remake américain n’a pas tarde à voir le jour (Les trois prochains Jours, avec Russell Crowe à la place de Vincent Lindon). Mais plutôt que de céder aux sirènes hollywoodiennes comme bon nombre de ses confrères, Cavayé a préféré, avec l’aide de son compère scénariste Guillaume Lemans, enquiller avec un deuxième polar français. Et c’est tant mieux pour nous, car A Bout portant est un excellent film.
Adeptes du dégraissage d’intrigue, les deux compères ont bâti tout le film comme une longue course-poursuite, centré sur une intrigue simple mais efficace. Le film ne perd donc pas de temps en circonvolutions scénaristiques et plonge très rapidement dans le vif du sujet pour ensuite ne plus s’arrêter. Le rythme d’A Bout portant est tout simplement excellemment géré, et le film laisse à peine le temps de respirer au spectateur, l’embarquant dans grand huit d’action et d’émotion parfaitement maitrisé. Tout juste peut-on déplorer une légère baisse de rythme lors du flashback explicatif de milieu de film, mais c’est une scorie bien peu dommageable, surtout que Cavayé enchaine ensuite avec une poursuite à pied tout simplement époustouflante. C’est bien simple, cela faisait très longtemps que l’on n’avait pas vu sur un écran de cinéma une poursuite aussi longue et intense. Le scenario carré de Lemans est un modèle de concision et d’efficacité, tout en n’oubliant pas d’impliquer émotionnellement les spectateurs. Impossible en effet de ne pas trembler pour la femme du héros lorsque celle-ci est enlevée par les tueurs, ou de ne pas rager de voir ce pauvre Gilles Lellouche pris au milieu de la tourmente a priori sans échappatoire possible.
Car c’est surtout là que le film fait mouche, dans sa manière de poser des personnages immédiatement attachants et crédibles, incarnés par des acteurs excellents. Le toujours charismatique Roshdy Zem n’a besoin que de quelques répliques pour camper un gangster au sens de l’honneur et de la famille sans faille. A ses côtés, Gilles Lellouche continue à s’affirmer comme un des acteurs les plus doués de la nouvelle génération (sa prestation avait déjà sauvé de la nullité totale le pourtant très mauvais La Chambre des Morts). Il apporte ici toute son humanité à un personnage à la fois faillible et déterminé à sauver son épouse. Face à eux, le toujours impressionnant Gérard Lanvin incarne certainement une des plus grandes pourritures cinématographiques de ces dernières années, et ce sans aucun effort apparent. Un nouveau rôle marquant à ajouter au palmarès déjà impressionnant de l’acteur. La preuve que malgré une carrière déjà bien fournie, Lanvin sait encore se mettre en danger et miser sur des projets risqués.
Bref, A Bout portant c’est tout simplement du pur bonheur. La preuve qu’en France, de nos jours, on peut encore produire du cinéma populaire de qualité, capable de rivaliser avec les américains, avec un bon scénario, une réalisation solide et de bons acteurs. Tout espoir n’est donc pas perdu, et on attend la suite de la carrière de Cavayé avec impatience.
Note: 8/10
France, 2010
Réalisation : Fred Cavayé
Scénario : Fred Cavayé, Guillaume Lemans
Avec : Gilles Lellouche, Roshdy Zem, Gérard Lanvin, Elena Anaya