Le vendredi 14 janvier, après un mois d’émeutes sanglantes, la Tunisie vient de tourner une page de sa jeune histoire.
Le président Zine el-Abidine Ben Ali a quitté le pays poussé vers la sortie par la rue et l’armée (son principal soutient) qui protégeait les manifestants contre la police.
Cette révolution porte déjà un nom : la Révolution de Jasmin. Ben Ali avait pourtant fait une allocution télévisée le 13 janvier dans laquelle il promettait, en plus d’une baisse du prix des produits de première nécessité, un relâchement de la censure et la décision de ne pas se représenter en 2014. Ces promesses étaient suivies d’effets car, peu après, les sites internet de certains journaux dont Le Monde étaient à nouveau accessibles ainsi que certains sites déclarés illégaux par la censure tunisienne.
Pourtant, il faut croire que le peuple de Tunisie ne désirait que son départ car les émeutes continuaient le lendemain, ce qui a conduit le président dictateur à partir en exil en Arabie-Saoudite ; la France et l’Italie ayant refusé de l’accueillir. Un peu plus tôt, il avait renvoyé son gouvernement et promis des élections législatives, mais il était trop tard.
A l’annonce de son départ, par le Premier-ministre Mohammed Gannouchi à la télévision publique, les Tunisiens sont descendus dans la rue, bravant le couvre-feu pour crier leur joie : après un mois d’émeutes et 66 morts, Ben Ali s’est aperçu qu’il s’était trop éloigné de son peuple qui n’en pouvait plus de voir les politiques profiter du développement économique en faire profiter la population. Cette dernière n’a donc pas cru à une énième promesse.
A 18heures environ, reconnaissant son échec, Ben Ali est contraint de quitter le pays. Il laisse la présidence au Premier ministre qui selon l’article 56 de la constitution, doit présider le pays en cas « d’empêchement provisoire ». Dans cette dernière, il est aussi écrit qu’il dispose de 60 jours pour organiser des élections présidentielles anticipées puisque le Président n’est plus en fonction. Mais c’est un temps très court pour un pays dont l’opposition est détruite par 23 ans de dictature : en effet, le président Ben Ali formé à Saint-Cyr, avait peu à peu muselé toute opposition et contraint à l’exil de nombreux opposants. La censure empêchait toute revendication. L’homme avait pris le pouvoir par un « coup d’état médical ». Et pour cause, il avait fait rédiger un faux certificat médical prouvant que le président Bourguiba ( le père de l’indépendance) âgé alors de 85 ans, était dans l’incapacité de gouverner. Il avait alors pris sa succession en temps que dauphin constitutionnel le 7 novembre 1987. Progressivement, il a placé les membres de sa famille aux postes clés et la Tunisie, laquelle est presque devenue une terre personnelle.
L'Union européenne appelle à des «solutions démocratiques durables» en Tunisie et appelle au calme après le départ du pouvoir de Ben Ali. Il faut dire que la nuit de vendredi à samedi a été émaillée de nombreuses scènes de pillages et des tirs ont été entendus. La transition ne s’est donc pas fait dans le calme. Certaines sources indiquent même encore des morts. L’état d’urgence a été décrété dans la soirée.
Cette victoire de la rue a des répercussions bien au-delà de la Tunisie. Les Algériens qui avaient arrêté de manifester après que leur président Bouteflika leur ait promis une baisse des prix des produits de première nécessité, sont redescendus dans la rue. On observe que les Jordaniens commencent aussi à protester. Il faut craindre un embrasement dans tout le monde arabe où les dictateurs règnent (Lybie, Syrie, Egypte). C’est aussi une remise en cause de la politique de la France au Maghreb qui a soutenu depuis des années Bouteflika et Ben Ali pour garder son influence et éviter la progression des groupes islamistes.
La réaction populaire dans les autres pays arabes est donc à surveiller de près. Une fois de plus, la rue a donc gagné contre la dictature, le peuple a repris son destin en main.
Pour finir, selon le site internet de France 2, la présidence est maintenant exercée par le président du Parlement Foued Mebazaa.
Sources :
-Le Monde.
-France Télévision.
Florian Thomas.