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SNCF : A nous de vous faire préférer votre voiture

Publié le 20 janvier 2008 par Melimelo

Pendant que l'on n'en finit plus de découvrir les mesures à degré variable du fameux "Grenelle de l'Environnement", à l'heure d'un raz-de-marée nommé "Velib", il convient quand même de souligner l'existence d'une entreprise qui résiste encore et toujours à ce dynamisme, en participant activement au sabordement de ce mouvement général d'abandon de la voiture.

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La critique est facile. Certes. Les horaires ont une fonction purement indicative. Il faut se faire une raison. Tout usager régulier des transports en commun a appris à relativiser, s'imposant une prise de distance avec la situation qui tranche généralement avec les voyageurs occasionnels, qui découvrent à leurs frais les coulisses de cette grande machine. Les retards qui s'étirent, les correspondances qui tombent à l'eau, sont une donnée du quotidien.

Seulement, s'il est classique de nous reprocher de "ne relever que les trains qui arrivent en retard", depuis quelques temps, j'ai surtout tendance à ne retenir que... les trains qui arrivent à l'heure. Ou plutôt LE train du mois qui ne m'obligera pas à changer mes plans à la dernière seconde.

La donnée n'est pas nouvelle. Pourquoi un billet aujourd'hui ? Parce que depuis six mois, le service s'est encore considérablement dégradé. Un constat que tire même les personnes travaillant à la SNCF que je connais. Et vendredi soir, la SNCF nous offrit un de ces grands moments dont elle a le secret. Encore plus ambitieux qu'à l'accoutumée. Même pour un vendredi soir. 
Dès la descente du tramway, j'avais été prise de sérieux doutes, ma volonté de prendre le train dans l'heure soudain très ébranlée. En jetant un coup d'oeil réflexe au petit panneau d'affichage extérieur, tout usager devinait l'annonce du début de longs ennuis. Il était 18 heures. Mais le premier train annoncé en haut du cadre indiquait un départ "initialement" prévu aux alentours de... 16 heures. Et, alors qu'habituellement, nous avons droit à une certaine diversité dans les différents chiffres aléatoirement répartis sur le tableau : Retard 5 minutes par-ci, Retard 20 minutes par-là... Vendredi soir, c'était une imperturbable uniformisation générale qui avait envahi l'ensemble du tableau. Cela existe en période de grève, avec le terme "Supprimer". Mais cette fois, c'était un bandeau lourd d'incertitudes qui défilait en face de chaque train : "Retard indéterminé".

La soirée commençait mal. Depuis deux heures, travailleurs pressés de partir en week-end, étudiants chargés de leur sac de voyage et autres voyageurs en transit s'entassaient dans le hall de la gare, où la vitesse moyenne de déplacement devait approcher le mètre à la minute. Certes, il y a toujours une bonne raison, la plupart du temps indépendante de l'action de la SNCF. Vendredi, un train n'avait rien trouvé de mieux que de tomber en rade dans une petite gare, endroit où il est impossible de faire passer les trains par une autre voie. Trafic entrant et sortant bloqué.
Un vendredi un peu plus apocalyptique que les autres à la SNCF...

Seulement c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder un vase qui semblait pourtant très extensible.

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J'ai la chance d'habiter dans une région "pilote", dans la mise en place de ce qui constituerait la concrétisation du progrés par excellence : le cadencement du trafic TER. Le Conseil Régional ayant décidé de promouvoir, d'accord avec la SNCF, les transports sur rails, il afficha l'intention d'organiser (avec ce terme si ambitieux, on aurait dû se méfier) une meilleure desserte de la région. Dans les faits, cela a surtout abouti à une suppression conséquente de certaines distributions et une multiplication du nombre de correspondances nécessaires (dans la lignée de "comment prendre les gens pour plus idiots qu'ils ne sont"). Mais le pire était à venir, car, depuis le 9 décembre, les problèmes ont atteint un degré jamais atteint en six années de fréquentation SNCF.

Avait été préparé, en guise de cadeau de Noël avant l'heure : la refonte de l'ensemble de la grille horaire pour préparer la première étape du cadencement. Laissez-moi vous conseiller une seule chose : priez pour que cela n'arrive jamais dans votre région.

Si je ne sais pas comment fonctionnent les services internes de la SNCF, manifestement, il y a ceux qui arrangent les trains, et ceux qui arrangent les papiers. Les personnes qui conçoivent les horaires appartiennent, selon de fortes probabilités, à la deuxième catégorie et n'ont sans doute jamais mis un pied dans une vraie gare, ne connaissant de la réalité des chemins de fer que le poster publicitaire dont la direction impose l'accroche sur un des murs du bureau. Confiez-leur une refonte du planning des trains et du casse-tête des croisements. Le résultat fut dévoilé le 9 décembre. Un joyeux chaos. Le voyageur téméraire découvrit une véritable avalanche de trains supprimés pour "impossibilité de mise en quai" (kesako ?), voire des trains carrément portés disparus, annoncés sur des horaires devenus fictifs. Des retards qui s'accumulent, des trains qui attendent une demi-heure en gare sans explication. Des heures de retard pour cause de "problème dans l'acheminement du personnel". Le tout achevant de réduire à néant toute tentative de correspondance (alors même que ces dernières sont devenues obligatoires sur mon trajet). 

Pour que vous preniez la mesure du chaos qui avait soudain envahi les lignes, sachez que même la SNCF se rendit compte que le service tournait encore moins rond qu'à l'accoutumée. Deux petites semaines ne s'étaient pas écoulées depuis l'entrée en vigueur des nouveaux horaires qu'arrivaient... les "nouveaux nouveaux horaires". Encore plus neuf que les nouveaux. Sans aucun doute tout droit sortis des ordinateurs affinés par des calculs sans doute fort compliqués, à défaut d'être exacts. Des "nouveaux nouveaux horaires" trop nouveaux pour être disponibles dans les gares où sont encore distribués dans les présentoirs les... anciens nouveaux horaires. C'est dommage. Surtout pour l'usager, prévenu de l'existence de ces nouveaux nouveaux horaires, pour certains, en découvrant l'existence d'un train ou en ratant leur correspondance, pour les surfeurs modernes, par une petite indication sur le site de la SCNF : "téléchargez vos nouveaux nouveaux horaires au format PDF !", avec le sous-titre accrocheur "non encore disponible en gare !" Exclusivité, la classe !

Modérons un peu ce tableau noir, malgré tout. Car cet engrenage infernal peut également avoir des effets positifs. Si. Ainsi, ce mois-ci, j'ai réussi à arriver à destination avec 10 minutes... d'avance. Oui, oui. D'avance. Je sens qu'il va falloir garder cet exemple sous le coude un bon moment. Mais, par quel miracle ou jeu paradoxal de la défaite de la ponctualité parvient-on à ce résultat ? C'est bien simple. Vous êtes dans le cas d'une correspondance. Vous aviez quinze minutes de battement entre vos deux trains, quand, au bout de cinq minutes, arrive un train à destination de votre lieu d'arrivée. Vous montez simplement... dans le train précédent, qui est juste très en retard, mais en avance par rapport à votre planning. Et, rien que pour ça, les retards prennent soudain une toute autre dimension. Parce que vous montez dans un wagon de voyageurs excédés, pour peu qu'ils soient un peu néophytes, ils sont au bord de la crise d'hystérie en raison d'une correspondance TGV qu'ils vont fatalement rater. La petite voix susurre dans les hauts parleurs "nous vous prions de nous excuser pour le retard occasionné". Et dans ce marasme de mauvaises humeurs, vous, vous rayonnez (en appelant chez vous en catastrophe pour annoncer que, non, ce n'est pas un retard, mais une avance qu'il faut prendre en compte pour venir vous chercher dans une demi-heure). Mais le contraste dans le wagon est alors tellement saisissant qu'il vous redonne le moral pour la journée.

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Reste que, désormais, avant d'aller à la gare, l'usager de ma région ne se demande plus s'il y aura un peu de retard, s'il a bien son billet en poche, s'il a tous ses bagages... Non, la question qui le taraude est devenue plus angoissée, plus agacée. Ce n'est plus un simple "quand ?", mais c'est devenu : "Est-ce que je vais parvenir à destination ?"
Au milieu des trains supprimés, des rames échoués, des impossibilités de mise à quai et des personnels non acheminés... (Et je n'ai même pas abordé les problèmes engendrés par les grèves locales qui ont succédé à la longue grève nationale)

La SNCF, à nous de vous faire préférer votre voiture...

(Et croyez-moi, dès que je pourrais investir dans une petite voiture d'occasion... Que ceux qui aiment tant faire la morale testent donc la réalité de l'état du réseau SNCF)


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