C'est toute l'histoire de l'Estonie, depuis la révolution russe, qui nous est contée dans ce roman, à travers le ragard de la narratrice, une habitante d'un petit village ayant vécu tous les soubresauts politiques ayant secoué les pays baltes.
Cela semble un cliché que de le dire, mais je ne puis définir l'écriture de Sofi Oksanen que comme féminine, intimiste le plus souvent, car saisissant les grands événements du
siècle à travers le regard de la narratrice qui vit ces événements sans recul historique, insistant sur les petits détails de la vie quotidienne et les conséquences dévastatrices
des soubresauts politiques successifs subis par les habitants d'une petite bourgade estonienne.
Il est question d'abord de l'invasion des pays Baltes, non par l'Allemagne, mais par l'URSS, qui annexe les trois pays dans le cadre du pacte germano soviétique conclu entre deux
régimes et tyrans totalitaires : l'URSS de Staline et le troisième Reich de Hitler. Dans le cadre de ce pacte, il était prévu que Hitler envahirait la Pologne, que l'URSS ne réagirait pas et
qu'elle pourait annexer l'est de la Pologne et les trois pays Baltes, ce qu'elle fit dans un premier temps et qui est montré dans le livre, où l'on nous décrit les premières déportations, par les
soviétiques, de patriotes estoniens luttant contre l'envahisseur bolchévique. Ensuite, Hitler attaque l'URSS et prend possession des pays Baltes. Et là, il y a effectivement, dans un
premier temps, comme en Ukraine, des gens qui vomissent l'occupant russe et communiste, pensent que les allemands sont venus les libérer et aident les nazis dans la liquidation des juifs (la
Shoah par balles). L'URSS se prévaudra ensuite, en 1946 de la collaboration d'une partie de la population pour décréter que les nationalistes baltes ont tous été et sont toujours des "alliés
objectifs" des nazis et des "revanchards ouest-allemands", vieille antienne communiste bien connue, permettant de se débarasser de tous les opposants et qui nous est resservie périodiquement chez
nous, par certains, pour discréditer tous ceux (y compris les socialistes "centristes" comme Valls et DSK..) qui ne se reconnaissent pas dans une gauche archéo et radicale. C'est ce qui fut fait.
C'est dans ce cadre que la soeur de l'héroine principale (et narratrice) fut déportée en Sibérie. Les exactions des membres du KGB sont décrites, par la narratrice qui voit passer dans son
village et dans sa vie ces hordes successives d'envahisseurs, avec autant de crainte, de rejet et de méfiance pour les uns et pour les autres.Une jeune "russe" (en fait descendante
d'estoniensdéportés en 46) qui revient en Lituanie et se réfugie chez la narratrice ayant vécu tous ces événements, n'est autre que la fille de cette soeur (déportée en Sibérie) de la narratrice
, qui s'est échappée de ses maquereaux russes, qui est poursuivie par ces tortionnaires nouvelle vague dont la brutalité est la même que celles des nazis et des soviétiques, et qui pense trouver
refuge chez cette grand' tante dont lui a parlé sa mère, de son exil sibérien.
Ce qui fait la force du roman, c'est qu'il montre la continuité de la violence entre les époques : les deux totalitarismes d'une part, et certaines conséquences d'une libéralisation mal maîtrisée
du communisme et d'un libéralisme sauvage, qui détourne la violence imposée aux marginaux et laissés pour compte du communisme (les laissés pour compte étant majoritaires !!!) pour l'exercer sur
de nouvelles victimes, qui sont toujours les mêmes en fait, de la même manière que les nouveaux bourreaux ressemblent étrangement à ceux qui étaient chargés des basses besognes sous les soviets
et l'occupation allemande.....
Pas un livre très gai comme on peut le voir, mais à lire néanmoins.... L'auteure est de nationalité finlandaise mais d'origine estonienne, par sa mère. Elle sait de quoi elle parle pour avoir
entendu sans doute ses parents et grand-parents raconter des histoires que tout ancien citoyen soviétique a vécu...
Sophie OKsanen est un écrivain très connu dans les pays scandinaves et dans le nord de l'Europe, un peu (beaucoup) moins chez nous... c'est dommage.....
Pour une critique plus "psy",moins politique que la mienne, voir cet article du monde des livres :
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/09/09/purge-de-sofi-oksanen_1408779_3260.html