Les derniers sondages CSA et IFOP donne Marine Le Pen, toute récemment élue à la présidence du Front National, à respectivement 18% et 16.5% d’intention d’un vote qui aura lieu, en réalité, dans plus d’un an. C’est donc, en toute bonne logique, la panique dans les rangs du PS et de l’UMP. Et elle en devient aussi tout naturellement un sujet de bruissement au sein de la blogosphère : mon confrère l’Hérétique en profite donc pour me demander mon avis sur la montée du Front National, son programme et ses éventuelles alliances avec l’UMP …
Oui, vous avez bien lu : certains, au sein de la Blogosphère, comme Corto, Xerbias ou l’Hérétique, se posent donc la question de savoir si l’UMP, pour s’assurer la victoire en 2012, en viendra à s’allier avec le Front National.
La question a le mérite de provoquer la réflexion, et il est plus que manifeste, du côté des journalistes, que l’hypothèse a été envisagée tant ils présentent clairement Marine Le Pen comme une menace pour Nicolas Sarkozy.
Partant de la constatation que l’UMP n’avait pu asseoir Sarkozy qu’en grignotant l’électorat lepéniste en 2007, les analystes officiels de la vie politique française se demandent donc, dans la même lignée, si 2012 ne va pas voir se rejouer le même mécanisme, avec cependant la difficulté supplémentaire que la nouvelle présidente semble plus crédible que le chef historique.
Dans son billet, l’Hérétique note quant à lui que la difficulté consistera surtout, pour les partis modérés, à présenter un programme cohérent, populaire et suffisamment solide pour ne pas laisser le champ libre au Front National.
Il n’en reste pas moins qu’il ne suffira pas de beugler à la peste brune pour éviter de devoir choisir entre Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy en 2012 (cauchemardesque). Je dois toutefois être clair : si cela doit arriver, cela arrivera. C’est aux partis politiques de présenter un programme et des résolutions qui tiennent compte des aspirations populaires.
Ces raisons sont en effet assez solides pour, sur le papier, justifier des alliances, partielles ou totales, entre l’UMP et le Front National : le programme de l’UMP et celui du FN n’auraient pas trop de mal à se toucher, voire se recouvrir, pour un certain nombre de questions comme la sécurité, l’immigration ou un certain conservatisme de société. En outre, l’UMP pourra arguer de son expérience du pouvoir, et le FN, de sa virginité vis-à-vis de celui-ci.
Mais ceci, c’est sur le papier, et seulement sur le papier. En effet, l’UMP est un assemblage de différents courant, comme le fut la gauche plurielle il y a quelques années. Il apparaît plus qu’improbable que les tendances les plus éloignées (celles qui se trouve au centre démocrate chrétien, par exemple, et celles qui formaient les phalanges les plus à droite du RPR jadis) restent acoquinées dans un même parti si ce dernier devait faire des mouvements visibles vers le FN.
Si l’on ajoute la cote de popularité du président, qui fait en comparaison paraître la fosse des Marianne comme un petit accident de terrain, l’état général du pays qui laisse dubitatif quant à sa capacité à être encore debout et vaillant dans une si lointaine échéance, et si l’on se souvient qu’aucun président de la Cinquième République n’a été réélu alors qu’il avait le pouvoir (Mitterrand a bénéficié de la cohabitation, Chirac aussi), on en arrive à la conclusion que Sarkozy, quoi qu’il fasse, ne sera pas réélu.
D’ailleurs, s’il est malin, il fera tout pour en arriver là. Les années après 2012 promettent d’être très rudes pour une France exsangue, à la limite de la cessation de paiement, dans une Europe complètement laminée par une situation économique catastrophique. Ceux qui hériteront du pays n’auront absolument aucune latitude.
De l’autre côté, le parti socialiste est, comme son nom l’indique, à la fois parti, et en pleine socialisation de l’échec : on assiste à une floraison frénétique de petits bourgeons de candidats. C’est très mignon, mais très très inefficace. On peut déjà prévoir une bousculade homérique au premier tour. C’est limite lassant.
Notez que jusqu’ici, on n’a même pas parlé de fond. Eh oui, le programme complet du FN n’a, en réalité, quasiment pas besoin d’être évoqué : Marine Le Pen a prouvé savoir utiliser la pudibonderie stupide des médias, l’intelligence extrêmement limitée des associations subventionnées en lutte permanente contre le Crime-pensée, et dispose dans ces ennemis d’alliés puissants, obéissants et aussi efficaces que sont pusillanimes les vétilles ridicules sur lesquelles se chamaillent sans fin les socialistes.
L’Hérétique propose de décortiquer le programme, et suggère que le parti qui saura le mieux se battre, pied à pied, contre celui du FN, sera le mieux à même de remporter la timbale. Malheureusement, si les élections présidentielles étaient une affaire de programme solide, depuis le temps, ça se saurait, et je souscrirais à l’analyse de mon collègue blogueur.
En réalité, c’est plus une histoire de rhétorique et d’individu. Et là, le bât blesse : comme je viens de le mentionner ci-dessus, Marine Le Pen est très douée pour la rhétorique, et en matière d’image personnelle, elle se positionne très finement en modernisant et en féminisant son parti. Pire, nous n’avons en face rien qui puisse se comparer : Aubry excelle à assommer et endormir, Royal à agacer, et Sarkozy ne pourra plus bonimenter au-delà des gogos qui ont toujours voté et continueront de voter pour l’UMP, contre vents et marées.
Triste tableau où personne, pour le moment, ne semble avoir la stature pour la contrer … Seul, à mon sens, le queutard du FMI pourrait prétendre au titre. Mais à choisir entre un poste, au chaud et sans élection, et un autre, incertain, dans un pays qui s’effondre (et dont il connaît par le détail la situation réelle), le choix est déjà fait sauf à laisser parler un ego surdimensionné, facteur parfois suffisant pour une défaite cataclysmique …
À en juger par ces éléments, le premier tour sera une vraie foire d’empoigne. Les électeurs devront choisir parmi une dizaine de candidats (les Verts, le PS et son spin-off du Poitou, l’extrême gauche pour au moins deux partis, le centre, l’UMP, le FN, et au moins un ou deux autres lascars sur la droite).
La répartition des voix semble, à plus d’un an du scrutin, tellement difficile à faire qu’en réalité, le second tour est encore totalement ouvert.
Ce qui pend au nez de tous, c’est effectivement la présence du FN au second tour. Mais cette possibilité est tellement présente aux yeux de tous qu’elle n’a, en réalité, pas plus de chance d’arriver que l’autre, plus classique, d’un bête duel UMP/PS : on peut en fait très bien imaginer tout un peuple, se refusant à l’idée d’une montée en puissance du Front National ; on peut croire que chacun, devant son devoââr d’électeur, glissera dans l’urne l’un ou l’autre bulletin d’un vrai candidat démocratique de rassemblement, à l’exclusion de tout petit candidat, et de tout extrême.
On imagine qu’il y aura donc un second tour pépère, et tout se passera sur du velours.
« Ce pays n’est pas foutu. »
Et on peut aussi persister à penser que, un an et demi, c’est très loin.