J'aurais du m'en douter moi qui à plusieurs reprises cet après-midi était occupé à baisser mon pantalon. Que voulez-vous ! Lorsque l'on aime les habits patinés, la fringue usée, rapiécée et la voir durer jusqu'à ce que le fil s'élime, on est pourtant bien obligé de constater parfois que le costume que l'on affectionne est arrivé en bout de piste. Les soldes n'étaient pas hier le marronnier qu'elles sont aujourd'hui. Subissant sans nul doute cette influence, me voilà en train de faire les magasins. Je joue de malchance. Alors qu'autrefois on vendait des pantalons neufs, les boutiques ne proposent que du neuf usagé, délavé et mal repassé. Et je ne vous parle pas nécessairement de grandes marques (de fer à repasser). Les prix, eux, ne changent guère. J'ai trouvé un article attractif. Un chiffre mystérieux y figurait : 160. Ce n'étaient pas des francs. La vendeuse a traversé le magasin à grande vitesse pour me confirmer mon goût. Une marque italienne. Nous avons loué de conserve les qualités de l'article. Chacun palpait amoureusement ce précieux bout d'étoffe. Considérant qu'il lui était particulièrement précieux, je me suis esquivé, dérogeant à ma lâche habitude d'abandonner ma confiance aux experts.
Ne songez pas à choisir une couleur, elles ont disparu. De là à se résigner et à se ruiner pour du vieux, non. Je tiens à friper ma fripe moi-même, à user ma toile favorite par mes propres moyens. Les jeunes générations ne rêvent plus qu'à du prince de Galles grabataire et veulent du pied-de-poule nonagénaire. Alors je baisse mon froc, j'essaye, j'essaye et le choix est plus complexe qu'il n'y paraît avec l'affichage des tailles américaines sans parler de la longueur de jambe. Autrefois, petits et grands se contentaient d'une même longueur de jambe. Aujourd'hui, vous avez le choix entre un pantalon trop grand, ajusté à votre taille ou un froc digne de votre stature mais qui selon votre goût vous explosera les bijoux de famille ou que vous serez obligé de retenir avec une ceinture, deux paires de bretelles et l'aide de votre auxiliaire de vie (deux mains n'y suffiraient pas).
Ben Ali a finit par monter dans l'avion. Je suis soulagé, j'ai de nouveaux pantalons. Ca tombe bien, ce n'est pas tous les jours qu'on est heureux de montrer son cul en cabine.
photo : Chtouber