Si l'on m'avait dit, il y a presque 3 ans, à l'ouverture de Gersicotti Gersicotta, que je retrouverai régulièrement le plaisir de décortiquer les mots, en chercher l'origine et en comprendre l'évolution au fil du temps, j'aurais probablement rigolé… et pourtant, je sors très souvent mes dictionnaires divers et variés que ce soit pour tergiverser sur la toponymie gasconne ou que ce soit sur la langue du pays. Je vais réitérer aujourd'hui, sortir tous mes précieux - à mes yeux en tous cas- bouquins de mes étagères, et oser "déblatérer" sur quelques mots gascons qui portent sur le thème de la ferme. Après tout, nous somme en pays fermier.
En revanche, je préfère prévenir immédiatement ceux qui pourraient prendre mes propos pour argent comptant : je ne suis ni experte en gascon, ni experte en linguistique, je jongle avec mes dictionnaires pour le plaisir et en même temps j'en profite pour découvrir, à ma façon, ce beau langage qu'est le gascon. N'hésitez pas, donc, à mettre votre gros grain de sel, à m'éclairer, je serai ravie de vous lire et débattre à ce sujet.
La bordà
La bordà ? C'est la ferme, la métairie, la maison. Nombreux sont les lieux-dits, les hameaux qui se nomment "Laborde, laborda, labordette, labourdette" et qui sont évidemment les emplacements de corps de fermes plus ou moins gros. Le mot, que je n'utilise pas personnellement et que je n'entends pas autour de moi, perdure au moins dans les toponymes ! Comme en français je ne connaissais pas de mot lui ressemblant, j'ai d'abord pensé que cela avait un rapport avec "le labour", activité de la ferme, mais j'ai eu du mal à imaginer que celai ait pu être scindé en deux mots.
J'ai donc, en ma qualité d'ignare, ouvert mon grand Robert et je suis tombée sur "borde". Le mot existe donc en français et désigne une métairie qui est une "exploitation agricole" , "une ferme". Son origine est d'après ce dictionnaire, francique et "borde" signifiait "cabane de planches" au Moyen-Âge. La définition fait remarquer que le mot est principalement utilisé dans le Sud-Ouest, ce serait une évolution du mot gascon "La bordà" ?
J'ai fouiné un peu internet et par bonheur - oui j'en ai quasiment sauté de joie et alors ? - je suis tombée sur un dictionnaire étymologique du vieux françois datant d'il y a quelques siècles quand les s s'écrivait comme des "f". "Borde" y est défini ainsi "Vieux mot, qui signifie loge, maison, maisonnette, métairie" et qui viendrait du saxon "bord". Cela rejoint l'origine proposé par le Grand Robert puisque le francique et le saxon sont deux langues germaniques proches. Ce dictionnaire étymologique du vieux françois indique également qu'en "Languedoc ce mot se prend pour une métairie, pour une maison de campagne où on retire les bestiaux". Et je présume que le Languedoc, désigne assez largement le Sud Ouest, des Pyrénées Orientales aux Pyrénées Atlantiques…
La bordà semble vraiment être un mot résolument bien ancré en terre gasconne. Issu d'une langue barbare, le mot "bord" se serait latinisé pour donner ce mot gascon "La bordà". C'est ce qu'on appelle le melting pot linguistique.
La Poralha
La Poralha, c'est la volaille…Le mot latin pour "volaille" étant "volatil pecus", soit le mot a évolué surtout que le "v" est prononcé "b" comme en Espagnol. Dans ce cas le "p" et le "b" étant phonétiquement proches, tout comme le "r" roulé et le "l", cela peut expliquer cette évolution du mot si vous m'avez suivie dans mon délire phonétique. Il est possible aussi que le mot en question soit un dérivé de "pulla" qui en latin désignait de manière générique les bêtes à plumes domestiquées. Tout comme "pora"/"potha", la poule en gascon, selon l'idée que le r est roulé, proche du l, il est possible qu'un glissement ait eu lieu à un moment donné surtout au contact des langues germaniques plus toniques, plus gutturales, plus sèches en matière de phonétique. Cette poule se fait aussi appeler "garia", ce n'est pas sans rappeler la "galina" du latin, ceci étant, "garrio" en latin, signifie "bavarder", et la poule est bavarde.
Toute la famille Poule se forme autour de "pora/potha" avec d'abord, le papa coq, "poth", le fils poulet " poret" qui se fait également appeler "piòc". Je suis persuadée que cela vient de son cri, surtout en sachant qu'un "puicòt/piocòt" est un poussin et que ça rappelle bien le "piou piou" et le "cot cot" de ces petites bêtes, non ?
J'ai été étonnée par la traduction de "dindon/dinde", "poloi/poloja", mais "dinde" bvient de "Poule d'Inde", quand le Français a gardé la fin, le Gascon lui, a bidouillé la première partie ?
Venons-en à notre amie l'oie qui en gascon se dit "auca". J'ai cru que j'allais avoir beaucoup de recherche à faire parce qu'à première vue "oie" et "auca", ça n'a pas grand rapport phonétique… Je me suis dit que le gascon avait bien des mystères jusqu'à ce que je découvre qu'en latin, oie, se dit "auca" et que c'était le français qui avait bizarrement évolué car "oie" vient justement de "auca". Enfin, je n'ai qu'une chose à dire, je n'y suis pour rien, c'est pas m'oie !
Chose marrante concernant notre amie la chèvre, qui à moins qu'il y ait une autre explication, semble avoir subi une série de langues qui ont fourché puisque du latin "capra", on en vient "craba" en gascon… étrange ce mélange de syllabe qui rappelle plus un petit animal à carapace avec des pinces qui se balade sur les plages, que l'animal qui bèle et grignote tout ce qui lui passe sous la dent.
Mais je dois avouer que celui qui me cause le plus d'interrogation c'est notre bon vieux "Canard"…qui en gascon se dit … non pas cana, cano ou canardo … mais "Guit". Allons bon, en voilà une nouvelle affaire ! J'ai donc entamé quelques recherches, mais rien de bien fructueux, hormis le fait que "guit" peut faire penser au latin "guttur" qui signifie "gosier" ou au latin "guttus" qui signifie "vase à col étroit". "Guit" rappelle probablement le physique du canard, mais ce n'est que pur supputation, peut-être que l'un d'entre-vous saura m'éclairer sur ce Donald gascon !