Mais pourquoi Isabelle Balkany joue à saute-canton à Levallois ?

Publié le 14 janvier 2011 par Letombe

Le PS local dénonce des « petits arrangements entre amis de l'UMP » et une « manœuvre du clan Sarkozy-Balkany ».

De 1988 à 2001, Isabelle Balkany était conseillère générale du canton sud de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Depuis 2004, elle est conseillère générale du canton nord. Aux prochaines élections cantonales de mars, elle brigue de nouveau le canton sud. Une question se pose alors à nous : mais pourquoi ?

« On s'en fout ! », rétorque aussitôt l'intéressée à Rue89. Avant de préciser sa pensée :

« Les électeurs n'en ont rien à faire de savoir si je me présente dans le nord ou dans le sud. Ils ne comprennent même pas à quoi sert le conseil général ! »

Sauf que rien de ce qui se passe au conseil général du département le plus riche de France (si on excepte Paris) n'est anodin. Et encore moins quand cela concerne celle qui est premier adjoint au maire de Levallois (son mari Patrick Balkany), vice-présidente de l'assemblée des Hauts-de-Seine et une des plus proches amies du président de la République.

« La majorité a naturellement investi Isabelle Balkany »

En cause, un courrier en date du 4 janvier, adressé aux Levalloisiens par l'UMP Danièle Dussaussois, actuelle titulaire de ce canton sud. Elle y fait part de sa démission du conseil général :

« Impliquée professionnellement depuis de nombreuses années dans le secteur économique et social régional, j'y ai acquis une expérience et des compétences qui m'ont conduite à être nommée par le gouvernement, en novembre dernier, membre du Conseil économique, social et environnemental.

Je souhaite assumer pleinement ces nouvelles responsabilités au sein de la troisième assemblée de notre République. Elles ne me permettent pas de me consacrer parallèlement, avec toute la disponibilité nécessaire à mes mandats d'adjoint au maire de Levallois et de conseiller général des Hauts-de-Seine. »

Les élections cantonales ne renouvelant les conseils généraux que par moitié tous les trois ans, seul le canton nord de Levallois devait être renouvelé les 20 et 27 mars. Avec cette démission, le canton sud le sera donc également.

« La majorité départementale a naturellement investi Isabelle Balkany pour être candidate dans notre canton de Levallois-Sud », ajoute Danièle Dussaussois.

« Soutenir Jean Sarkozy dans la guerre qui l'oppose à Devedjian »

Une investiture et un changement de canton loin de paraître aussi « naturels » aux yeux des socialistes locaux. Anne-Eugénie Faure, conseillère municipale d'opposition à Levallois, qui se présente dans le canton nord et devait affronter la femme du maire :

« Le canton nord peut basculer à gauche et elle a peur de perdre son poste de vice-présidente du conseil général et de ne pas pouvoir soutenir Jean Sarkozy dans la guerre interne qui l'oppose à Patrick Devedjian. L'UMP préfère faire supporter le risque de défaite à quelqu'un d'autre qu'Isabelle Balkany. »

Il est vrai que sa remplaçante, Sylvie Ramond, adjoint au maire de Levallois, aura fort à faire, même si elle est impliquée depuis plus de vingt ans dans la vie politique locale. Avant 2004 et la victoire à l'arrachée d'Isabelle Balkany (180 voix sur 15 499 votants), le canton nord était détenu par le socialiste Thierry David.

Sans compter que s'y présentera également Rémi Muzeau, l'ancien chef de file de l'opposition de droite, dans la ville voisine socialiste de Clichy… A côté, le canton sud s'apparente à une ballade de santé pour un candidat UMP. En 2008, Danièle Dussaussois l'avait emporté avec plus de 60% des voix, dès le premier tour.

Une décoration pour « service rendu à la nation… UMP » ?

Autant d'éléments qui renforcent aujourd'hui la conviction d'Anne-Eugénie Faure :

« Du coup, elle a fait démissionner l'élue qui l'avait battue en 2001. Ce qui est très fort, c'est que que Danièle Dussaussois explique qu'elle démissionne du conseil général parce qu'elle est nommée au Conseil économique et social, or c'est l'inverse : elle a été nommée au Conseil économique et social parce qu'elle a accepté de démissionner. »

A la tête de la section PS de Levallois, Delphine Roussy, n'hésite à pas à aller plus loin encore dans un communiqué :

« Le clan Sarkozy-Balkany [est] plus que jamais à la manœuvre dans les Hauts-de-Seine. Un clan qui sait être reconnaissant envers ses amis, puisque Danièle Dussaussois, outre sa nomination au CESE, a été nommée Chevalier de la Légion d'honneur par décret en date du 2 avril 2010. Probablement pour “service rendu à la nation… UMP”. »

« Pourquoi Isabelle Balkany ne se représente-t-elle pas sur son propre canton ? Ce serait pourtant la logique de la continuité politique… », poursuit Delphine Roussy, interrogée par Rue89.

« Rue89 est banni de notre liste de médias »

Après avoir refusé de nous prendre au téléphone, au motif que « Rue89 est banni de notre liste de médias » selon les dires de sa chargée de communication, Isabelle Balkany finit par accepter de s'expliquer :

« Danièle Dussaussois, pour des raisons professionnelles et parce que c'est son souhait, quitte le conseil général. Son siège est donc à pourvoir mais seulement pour les trois dernières années de son mandat. Il me paraît plus logique de mettre dans le canton nord, pour un mandat entier de six ans, une femme de vingt ans de moins que moi.

J'ai déjà 63 ans. Ça s'appelle préparer la relève intelligemment et nombre d'élus de gauche comme de droite feraient bien de faire comme moi. Voilà les véritables raisons, le reste n'est que polémique alimentée par Anne-Eugénie Faure pour se faire connaître. »

« Attendez, je vous rappelle »

Soit. L'explication paraît légitime… avant que l'on tilte. En 2014, la réforme territoriale engagée entraînera de nouvelles élections : les 3 500 conseillers territoriaux élus remplaceront les 6 000 conseillers généraux et régionaux. Qu'elle se présente dans le canton nord ou dans le canton sud, Isabelle Balkany ne sera donc élue que pour trois ans…

Re-coup de téléphone à sa chargée de communication, laquelle nous rappelle pour nous transmettre l'explication du premier adjoint au maire :

« Levallois aura deux conseillers territoriaux en 2014, un conseiller régional et un conseiller général, que l'on espère être Sylvie Ramond. C'est bien de l'installer dès maintenant.

– Oui, mais pourquoi ne pas l'installer dans le canton sud ?

– Attendez, je vous rappelle. »

Vingt-quatre heures plus tard, on attend toujours. Le Parti socialiste de Levallois-Perret, lui, continue de dénoncer « les petits arrangements entre amis de l'UMP ».

Julien Martin Rue89 http://www.rue89.com/