- Salut, Guillaume…
- Tiens, salut ! Comment vas-tu ?
(tous les deux, quasi simultanément) : Euh, bonne année !
- Euh, voilà, un truc de complètement terre à terre, qui n’a rien à voir avec le film qui vient de passer… tu sais qu’ils font la place à 3€ dans les salles UGC – au cas où il y aurait des films que tu voudrais « rattraper » ?
- Oh, j’ai le Pass ! mais merci…
- Ah, tu as le Pass ?
- Mais, je ne l’utilise pas beaucoup, faute de temps – et je n’ai toujours pas pris l’occasion de résilier mon abonnement.
- Ah, oui ! c’est vrai que, eux, ça marche par « résiliation ». Il y a des endroits, comme à Beaubourg par exemple, où tu t’abonnes, et au bout d’un an, ça s’arrête. Et si tu veux te réabonner, tu dois refaire une demande. Avec eux, comme avec les opérateurs de téléphonie ou les chaînes câblées, c’est automatique ! Bah, c’est les pratiques commerciales modernes – pour te « simplifier les démarches », ils te ponctionnent directement !
- Tiens ? je n’avais pas fais gaffe, oui ! Mais, avec cette carte, je peux revoir des classiques, dans les salles du 5ème arrondissement…
- Ah, oui ! C’est vrai, ils sont en partenariat…
- Avec MK2, aussi !
- MK3… Mais alors, c’est bon, tu l’as rentabilisée !? tu ne dois plus avoir beaucoup de films à rattraper !
- Non, ça va… J’ai même vu deux fois Oncle Bonmee ! Il est vraiment bien ce film !
- Euh, je vais dire un truc un peu débile, mais comme c’est un truc que font généralement les cinéphiles, disons un peu « frappés » : est-ce que tu as fait ta liste des meilleurs films cette année ?
- Non…
- Oui, bon, c’est un truc de frappés, je disais…
- Euh, non… pas encore, je veux dire… ça m’est arrivé de le faire, les années précédentes…
- Bon, ça reste un truc de frappés… et tu en fais partie, alors !-DDD
- Et toi, tu l’as faite ?
- Oui. Il m’en reste un ou deux à voir… mais il ne devrait pas y avoir de grands bouleversements !
- (pause) Dis-moi… euh, ça me vient comme ça tout à coup… on dirait que tu es comme Gilbert – euh, ce n’est pas un reproche – et puis, ce n’est pas pour dire que vous êtes pareils – mais vous avez un point commun, on dirait – on dirait que, comment dire ? – bien sûr, ce n’est pas grave, chacun fait comme il veut – mais, on dirait que tous les deux, enfin… ni lui, ni toi – enfin, lui, je le sais, mais toi, je ne sais pas… vous n’avez pas, euh, comme on dit communément, d’activité pro…
- Ah, tu veux dire qu’on ne travaille pas !? Non, effectivement, Gilbert et moi – on est fâchés depuis un moment – entre vous deux, ce n’est pas le cas, je crois – mais à l’époque, pour lui, c’était déjà comme ça – non, nous n’avons pas d’activité professionnelle ! Bah, tu sais, la plupart des gens, ils travaillent surtout parce qu’ils en ont la nécessité : ils ont besoin de gagner de l’argent ! Sans ça, il se peut que beaucoup ne travailleraient pas non plus – ce qui n’est cependant pas dit ! Moi, ce n’est plus le cas, mais à une époque, j’ai bossé, puis j’ai eu la chance de pouvoir arrêter. Les circonstances me l’ont permis !
Et puis, je pourrais ajouter que mon activité actuelle, c’est un peu comme ce que fait – ou devrait faire – un critique ordinaire, à la différence que lui, il le fait plutôt mal, et en plus, il est payé !-] Alors que ça, on dirait que ça t’étonne beaucoup moins ?!-]
Euh, si tu dois y aller, il n’y a pas de problème, ou si tu me trouves trop lourd, il faut me le dire, car je comprends qu’on puisse me trouver « prise de tête »… ou trop bavard !
- Non, ça va là – et non, je n’ai pas de train à prendre, non plus…
- Bon. C’est comme le film qu’on vient de voir (Champagne/A l’américaine, d’Alfred Hitchcock, 1928) – que j’aime bien, mais que je ne reverrais pas cinquante fois – elle, le personnage féminin principale, elle vient de l’aristocratie, puis tout à coup, par un revers de fortune – son père prend de plein fouet un krach boursier – elle se retrouve déclassée, et se retrouve obligée de travailler. A la différence d’elle, Gilbert et moi, on est nettement moins naïfs. Elle fait vendeuse de fleurs dans un cabaret, mais elle découvre peu à peu – ça fait « tilt » – que son boulot est assimilé à celui d’une pute ! Et puis, nous, on n’appartient pas à l’aristocratie, euh, financière, non plus ; quoique lui, je le soupçonne de l’être un peu que moi ! Mais il se peut que j’embellisse sa situation, hum !
- Mais, il y a plusieurs façon d’être aristocrate…
- Oui, c’est pourquoi j’ai ajouté « financière » ! Gilbert, je ne dis pas, mais moi, non.
- Mais alors… mais alors, tu dois te nourrir, ou vivre frugalement ?
- Pour manger, non ! Regarde, j’ai plutôt bon appétit ! Pour ce qui est de « vivre frugalement », je dois dire que je sais me priver de tout ce qui est inutile, et donc à l’arrivée, on n’a plus beaucoup de dépenses. Donc, pour ne pas avoir à travailler, il est vrai qu’il faut pouvoir bénéficier de certaines circonstances, et savoir se dispenser d’un certain confort matériel ou technologique.
par Albin Didon