De L’Indignation Et Du Nouvel Ordre Mondial [La Peur]

Publié le 14 janvier 2011 par Sagephilippe @philippesage

[1ère Partie] … Voilà l’extraordinaire, l’impensable : pour figer un peuple, il suffit de mal le payer, au lance-pierre. Petits salaires, bien étriqués, au rabais … Vous me direz, oh-là, tout doux ! Enfin ! Votre peuple trimardant pour des nèfles, il se révoltera, ah ça ira, ça ira, la rue il investira, une nouvelle Bastille, il prendra ! … Fut un temps, y’a lustres, oui. Il l’aurait fait. Jamais il n’aurait accepté de chagriner pour 800, 1000 ou 1200 roubles d’euros le mois. Sans oublier la retraite, la riquiqui, qui lui pend au cul. Mais vous omettez LE paramètre. Celui qu’enterre toute révolte. Ce paramètre essentiel, c’est la peur.
Croyez-vous qu’un palestinien ait peur ? Ou un tunisien, puisqu’il est actuellement question d’icelui ? Non, ils n’ont pas. Voilà qu’est fort intéressant, n’est-ce pas ? Pourtant, le tunisien vit depuis lurette sous le joug d’une dictature certifiée conforme. Le palestinien est floué, désossé, déporté (« déplacé », dit-on polypocritement, en s’en lavant copieusement les mains) quand ce n’est pas « phosphoré » (même que ça ressemble, là, pour le coup, à un « crime contre l’humanité ») ... Oh, comment se fait-il qu’ils ne soyent point morts de trouille, ou morts définitifs, rectifiés, ces palestiniens, ces tunisiens, comme nous le sommes, nous français qui nous croyons vivants ? … Est-ce – j’hypothétise à la sagouin, à la Levy/Minc/Attali –  parce qu’ils n’auraient plus rien à perdre ? Et d’ailleurs, comment pourraient-ils (ou avoir peur de) perdre quoi que ce soit puisqu’ils n’ont plus rien ? Ou quasi. Même de leurs terres, on les a spoliées.
Oui, voilà l’extraordinaire, l’impensable, c’est dans les pays confortables, ainsi la France regorgeant de blé – oh que si ! Bettencourt/Servier/Pinault/Etc, ça vous y cause ? – dans ces pays protégés de toute guerre ou danger, même le terroriste, que l’on épouse et craintes, et peurs, ad vitam.
Nous ne nous révoltons pas, pas plus que nous nous indignons, ou alors à table, dans un bistrot, à la petite semaine, péteux, lâches et serviles que nous sommes, l’échine bien courbée, ânonnant nos « on n’y peut rien, c’est comme ça, à quoi bon ? » parce que nous sommes pétris de pétoches, celles de perdre le peu qu’on nous octroie. Un portable, un écran, des gadgets.
Ils vont venir vous le(s) prendre, qu’on nous dit ! ... Mais qui donc ? ... Mais les musulmans, les Roms, ceusses de l’Est, le fameux plombier polonais, les africains, tous, ils vous convoitent tous, ces métèques. Ils sont une menace à votre tranquillité, votre sécurité. Ils sont cancers. Il faut s’en protéger …
… Et qui nous le dit ? Les tranquilles, les « sécure » ... Et c’est là l’autre point, l’autre extraordinaire et remarquable : croyez-vous que dans les beaux quartiers, chez les rupins, les Zemmour et les Minc, on craint de se voir, un jour, dépouiller ? Pensez-vous que nos Demorand, Chabot, Calvi, ceusses taffant pour les grands industriels, aient peur ? Et les Bettencourt, et les Bolloré, et les Lagardère, bref, les employeurs aux ordres du Nouvel Ordre Mondial ? Bien sûr que non ! Absolument pas ! Comment vous expliquez ça ? Hein ? Que tous « ces gens-là », pétant on ne peut plus dans la soie, émergeant à 5, 10, 100, 500 fois plus que vous et moi, s’en carrent et comment, du prétendu danger musulman ? De la supposée menace ? De toutes ces calembredaines, en vérité. Car elle ne viendra jamais, l’heure où les pauvres viendront nous égorger. Aucune chance que ça arrive. Faut-il être con au dernier degré pour ne pas l’avoir compris … Ignorer tout de l’Histoire. Sinon deux Tours. C’est bien peu ..
Or donc, comme c’est génial, tu confines un peuple (en paix) dans une précarité totale. Salariale et sociétale ... Pour qu’il ne s’en révolte pas, ni s’en indigne, jamais, tu le cloues par la peur … La télévision est un outil formidable, à cet effet. Ouvre-là, tu verras. La TNT, c’est de l’explosif, mon pote. Police, menottes, prison, le mieux-disant sécuritaire. Délinquants, dealers, violeurs, arnaqueurs de tout poil sur ton écran, chaque soir que le Nouvel Ordre Mondial fait. Reportages calibrés. Aux petits oignons … Et la PQR (la Presse Quotidienne Régionale), l’as-tu donc lue ? Il faudrait auparavant te pencher sur ceusses qui la tiennent, c’est intéressant, ah ça oui ! Des barons. Des Dassault, des Lagardère et tutti … Pas besoin de l’acheter, la PQR, garde ton flouze, elle est gratuite sur Internet. C’est parlant ... En Une, invariablement, et avant tout, des morts, un voisin que tu vas apprendre à connaître, un peu trop tard ; des braquages, à quelques centimètres de ton modeste appartement ou de ta petite bicoque achetée à crédit ; des accidents, des drames, des musulmans, des gitans. Tous les jours. Même le dimanche. « Ils sont partout » ... Ah, ça n’aide point, n’est-ce pas, à se sentir en bonne sécurité. Mais c’est fait pour … c’est pour mieux distiller la peur, mon enfant, te figer comme un rat .. Dans un pays en paix ! Y’a pas à dire, c’est du grand art ... Votre paix, soit tout ce qu’il vous reste, est menacée (comme c’est intelligent, ce concept – notez que ça ne peut fonctionner que dans un pays en paix, justement) qu’il nous est enclumé … Et ça marche, à fond les ballons ... Les bonnes nouvelles, les belles initiatives ? Elles sont reléguées en page 17, et bien bâclées, cul-cul, gnangnan à souhait, comme une émission de Reichmann, à la dégueulasse, à l’écœurant. Des bons sentiments, me dira-t-on … foutaises ! Ils ne sont pas gratuits, eux … Comme la rosette. Oui, même les pauvrets y ont droit. Mais uniquement en se prostituant dans un écran de télévision, en se confessant intime au vu de tous, en répondant à des questions stupides (ce qui signifie que la télévision les considère comme tels) sinon, nada ! Tu peux crever.
Et pendant ce temps-là, pendant que tu t’enterres dans la peur, l’infondée mais sacrément bien orchestrée, ils s’engraissent. A 5, 10, 100, 500 fois ta misère de salaire. C’est logique, puisque : « c’est étudié pour » que tu ne bouges pas un cil.
Tu trouves que c’est injuste, bien sûr, pas très décent, tout cet argent, mais tu laisses filer. Tu n’es pas un palestinien. Pas même un tunisien. Que tu soutiens ! Ne dis pas non, je l’ai vu et lu sur tes blogs ... J’ai bien ri ... Quitte à être grotesque jusqu’au trognon, pense à faire de même avec les haïtiens. Là-bas itou, ce sont les riches, peu nombreux mais bien présents, dont on s’occupe en premier. Comme ce fut le cas au Sri Lanka, après le tsunami. Les autres ont croupi des mois et des mois, et plus encore, sous des tentes et dans la merde.
Mais je digresse …
… Ce n’est pas toi qu’on protège, le laborieux, le salarié, c’est le Nouvel Ordre Mondial. Et ceusses, comptés, bien identifiés, qui en tirent ô combien bénéfices (Goldman Sachs en premier) ... On t’agite du musulman, du Rom, de l’étranger, du bon bouc-émissaire de première, vieille ficelle, afin que tu te recroquevilles, pendant que la Chine avance, sagement, sans faire de bruit, elle qui va faire de nous un musée …  Tu t’es fait avoir, couillonner, et sévère. Parce que tu connais pas l’Histoire. Un palestinien lui, il la connaît. Jusqu’à ses pierres … Il est bien plus grand que nous. Lui, il se bat, toujours ... Le chinois ultra-libéral, aussi, mais qui s’en soucie, à partir du moment où il (nous) achète, sonnant et trébuchant ?
Nous, on se branle en lisant Stéphane Hessel, puis on retourne se coucher. Comme des valets … A quoi bon 500 000 exemplaires écoulés, ils n’ont servi à rien ... Pauvre Hessel. Pauvre français. Triple A, mais quadruple buse au carré.
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