L’année 2011 sera marquée par la multiplication des prises de position les plus contradictoires sur une nécessaire réforme fiscale. On va débattre, par média interposé, sur les grands principes des finances publiques.
Or, dans leur majorité, les Français sont étrangers à ces querelles byzantines. Bien entendu, dans leur ensemble, ils savent qu’il n’y a pas d’Etat sans impôt et que l’impôt est de l’essence de la démocratie. Ils ont également l’intuition que les prélèvements obligatoires doivent nécessairement augmenter pour faire face à une crise économique historique. Leurs préoccupations sont plus prosaïques, plus terre à terre. Ils souhaitent simplement des impôts plus compréhensibles et moins injustes.
Des pistes de réflexions peuvent-elles être suggérées pour répondre à ces attentes ? Tous les fiscalistes praticiens ont le sentiment qu’une série de réformes techniques mais simples permettraient d’atteindre ces objectifs. Prenons quelques exemples de dispositions fiscales dignes d’Ubu pour le commun des mortels.
Pour quelles raisons un contribuable dispose d’un délai de trente jours (éventuellement prorogé automatiquement de trente jours s’il le sollicite) pour répondre à une demande de l’administration fiscale alors que celle-ci se fait accorder par le législateur un délai qui peut atteindre quatre ans pour répondre à un contribuable ?
Pour quelles raisons un contribuable peut être poursuivi pour abus de droit (en vertu d’une simple instruction administrative qui ajoute à la loi) pour avoir simplement appliqué une circulaire fiscale dans laquelle l’administration aurait commis une erreur d’interprétation de la loi ?
Pour quelles raisons, lors d’une succession, si les héritiers ne connaissent pas l’adresse de la banque dans laquelle le défunt détenait un compte bancaire, les services fiscaux (via le fichier Ficoba) refusent de donner l’information au notaire chargé du dossier pour ensuite procéder à un redressement fiscal pour omission d’actifs avec remise partielle des pénalités ?
Pour quelles raisons l’acquéreur d’un modeste fonds de commerce de quartier est-il amené à verser des droits d’enregistrement à un taux très supérieur à celui payé par un cessionnaire d’actions non cotées d’une valeur considérable ?
Pour quelles raisons, à une époque où la mobilité transfrontalière touche toutes les classes sociales, la France n’a signé que 5 conventions internationales pour éviter les doubles impositions en matière de donation ?
Pour quelles raisons un exilé fiscal français, résident à l’étranger, ne paie aucun impôt en France mais conserve la possibilité de se faire soigner dans notre pays avec prise en charge par la Sécurité sociale française ?
On pourrait multiplier les exemples. Cela deviendrait vite fastidieux. Mettre fin à ces dispositions archaïques, contraires au bon sens populaire, devrait pouvoir être voté par l’ensemble des parlementaires, droite et gauche confondues. Cela contribuerait à réconcilier les citoyens avec la législation fiscale. Mais, pour cela, il faudrait une volonté politique. Cette détermination peut-elle exister pour lancer un aggiornamento de notre fiscalité par des mesures techniques non médiatiques ? Les praticiens de la fiscalité en doutent. Les politiques devraient, cependant, prendre garde. Selon différents sondages, les deux tiers des Français considèrent notre fiscalité comme incompréhensible et injuste. Lorsque le peuple cesse de comprendre, il peut cesser d’obéir. Cela peut déclencher un mouvement de contestation, type Tea Party américain, mais aussi engendrer des réactions populistes, poujadistes, voire prérévolutionnaires.
Bernard Monassier est notaire
Articles similaires :