L’émergence du moteur de recherche Google à la fin des années 1990 a accompagné le premier virage majeur d’Internet. Avec lui, Internet est devenu un outil grand public et même une expression : to google someone ; j’existe sur Google donc je suis ! En devenant la clef quasi-universelle de toutes les questions et de tous les débats (plus de 92% des Français l’utilisait comme moteur de recherche principal en 2010), Google a révolutionné non seulement notre manière de rechercher mais également notre manière de penser, privilégiant le référencement et la logique de recommandation du plus grand nombre.
Après l’âge des moteurs de recherche est venu celui des réseaux sociaux, avec un développement toujours plus rapide et une intégration toujours plus forte sur Internet. Facebook, deux fois plus jeune que Google (6 ans) et Twitter (4 ans) sont les nouveaux porte-drapeaux de cette génération Internet prête à remettre en cause la suprématie du géant de Mountain View.
Une récente dépêche de l’agence Reuters indique qu’en 2010, l’audience de Facebook a été supérieure à celle de Google (8,9% contre 7,2%) selon le site Experian Hitwise. Le 3 janvier, le New York Times a indiqué que la banque américaine Goldman Sachs avait investi à hauteur de 450 millions dans le site Facebook, valorisant celui-ci à 50Mds de dollars. Autrefois site de partage de photos et de souvenirs de vacances, Facebook est devenu une nouvelle porte d’entrée sur Internet.
Trois ans après ses promesses électorales du candidat Sarkozy et plus d’un an après les discussions relatives à la loi « Hadopi », un Conseil National du Numérique devrait enfin voir le jour. Avant le lancement de cet organisme qui devrait se pencher sur les questions d’identité numérique et de responsabilité sur Internet, Délits d’Opinion s’est interrogé sur les Français et les réseaux sociaux.
Le rouleau compresseur Facebook
Depuis sa création dans une chambre d’étudiant de l’Université d’Harvard, comme le rappelle le film The Social Network, le site communautaire Facebook est à l’image de son fondateur, surdoué et capable de devancer toutes les prévisions. En 2007, la première vague de l’Observatoire des réseaux sociaux menée par l’Ifop indiquait une notoriété de 38% chez les internautes, situant le site en seconde position derrière MySpace (54%). A cette époque on notait cependant une pénétration déjà très importante chez les 15-24 ans : 88% pour MySpace et 67% pour Facebook. On notera également qu’en 2007 on ne comptait que trois réseaux sociaux à plus de 10% de notoriété, Viadeo totalisant à l’époque 12% de notoriété parmi les internautes.
En 2010, l’omniprésence de ces sites communautaires fut avant tout vérifiable par la croissance du nombre de réseaux existants. Selon l’étude barométrique de l’Ifop, 21 réseaux sociaux bénéficient d’une notoriété supérieure à 10% alors que les 7 premiers peuvent se prévaloir d’un score de plus de 80%. Hier challenger plein d’ambitions, le site Facebook trône désormais en tête avec 94% de notoriété, devant Youtube (92%) et Copains d’avant (88%). Le second élément marquant de cette 5e vague de l’Observatoire des réseaux sociaux concerne la pénétration désormais totale de ces réseaux. Les écarts de notoriété selon les classes d’âges n’atteignent que 5 points pour Facebook : 89% de notoriété chez les personnes âgées de 25 à 34 ans et 3 points pour Youtube : 89% de notoriété chez les personnes âgées de 25 à 34 ans. Les écarts les plus importants sont visibles sur les réseaux sociaux les plus anciens comme MySpace, 10pts (création en 2003), Copains d’Avant, 13pts (création en 2001) ou Trombi.com, 14 pts (création en 2000). Enfin, cet engouement demeure impulsé par les étudiants chez qui la notoriété des réseaux sociaux est supérieure à la moyenne pour les 9 réseaux sociaux les plus connus.
A chacun son réseau social
Le projet Second Life qui vu le jour en 2003 proposait la création d’avatar, permettant ainsi une nouvelle vie virtuelle en parallèle de la vie réelle. Les réseaux sociaux sont pour leur part les extensions online de la vie réelle, de ses échanges et des relations qui se créent. Ainsi, au même titre que l’appartenance à des clubs sportifs, des associations ou des groupes d’amis, les réseaux sociaux existant sur Internet permettent de multiplier les liens avec les autres : 56% des internautes partageaient cette vision en 2007 selon l’Ifop.
En 2010, les internautes seraient 78% à appartenir à un réseau social, la moyenne se situant à 2,9 réseaux sociaux par internautes selon l’Ifop (en nette progression de puis 2009 quand le nombre s’établissait à 1,9). On note à ce sujet une forte corrélation entre l’âge des répondants et le nombre de réseaux auxquels ils appartiennent : 32% de l’ensemble des internautes appartiennent à 4 réseaux sociaux ou plus contre 62% pour les 15/24 ans.
L’étude coordonnée par l’Institut WIN et réalisé par BVA en France dresse un panorama relativement clair de la situation au niveau mondial. Elle confirme que les réseaux sociaux sont avant toute chose un outil du Web personnel et non professionnel et que leur utilisation est appelée à se faire de plus en plus via les Smartphones.
N’est pas Facebook qui veut : le cas Twitter
Alors que Facebook pèse près de 600 millions de membres, Twitter éprouve des difficultés dans sa stratégie de conquête du très grand public, notamment en France. Le baromètre Ifop indique que la notoriété de cet outil de microblogging a cru de manière très forte entre l’automne 2008 et l’automne 2009, passant de 4% à 63% de notoriété assistée (80% à l’automne 2010). Pourtant, malgré ce buzz, le taux de conversion n’a pas réellement décollé, laissant Twitter à 7% au niveau de son taux d’appartenance. L’étude BVA/WIN indique également que l’usage de Twitter, s’il est au niveau moyen pour les « affaires personnelles », se situe en dessous de celle-ci pour les « affaires professionnelles ».
Le ratio notoriété/appartenance est donc particulièrement fort (11,4) si on le compare à celui de Facebook (2,2) ou Youtube (4,4). Pour expliquer ce décollage manqué, plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d’abord la simplicité – presque réductrice – de l’outil. En effet, avec 140 signes Twitter permet uniquement de relayer l’information. A ce titre il est sans doute trop en avance sur son temps et demeure circonscrit à un cercle de fidèles jeunes, étudiants, journalistes, CSP+ et adeptes des réseaux sociaux.
De plus, les internautes Français demeurent originaux car si le « réflexe internet » est fort : 92% de connexion quotidienne pour les internautes, ils n’ont pas délaissés les autres médias selon une étude TNS Sofres. Enfin, on notera la relative prudence des Français du point de vue des smart phones, outils privilégiés pour ce qui est de l’utilisation des réseaux sociaux.
L’exception française ?
Le thème de l’exception française semble avoir également du sens pour ce qui concerne la pratique et l’usage d’Internet et plus particulièrement des réseaux sociaux. Si notre pays compte environ 70% d’internautes, ces-derniers ont une activité particulièrement riche et variée sur les médias sociaux. Du point de vue des sites, certains comme Facebook sont parvenus très rapidement à conquérir la population tandis que d’autres semblent se heurter à un contexte moins favorable, à moins que cela ne soit le résultat d’une relative immaturité de notre univers internet. Nouvelles portes d’entrées sur le web, les réseaux sociaux sont en passe d’achever le passage dans une nouvelle dimension sur Internet, espace de plus en plus révolutionnaire.