Le Palais Farnèse, site de l’ambassade de France à Rome, n’est d’ordinaire ouvert au public qu’au compte-gouttes (même si l’accord Laval-Mussolini de 1936 stipulait que devait être ouverte « un certain jour de la semaine, la partie du palais qui a la plus grande importance artistique », ce qui ne fut jamais le cas) et il faut donc être reconnaissant à l’ambassadeur Jean-Marc de La Sablière d’avoir organisé (jusqu’au 27 avril) une exposition qui permet de découvrir, et le Palais, et des œuvres de la collection Farnèse, conservées aujourd’hui à Naples, à Parme ou ailleurs, et regroupées ici le temps de cette exposition (réservation conseillée, longues files d’attente).
On peut même voir le bureau de l’ambassadeur, le week-end seulement : son bureau, sa table de réunion, ses canapés, son écran de télévision, son ordinateur, ses dictionnaires, ses photos de famille restent in situ dans cette grandiose salle des Fastes farnésiens (avec la loggia de Michel-Ange), dont les murs sont ornés de fresques tourbillonnantes du XVIème siècle (Salviati jusqu’en 1563, puis les frères Zuccari) célébrant le pape Paul III (Alexandre Farnèse, 1468-1549, pape en 1534, et instaurateur de la Sainte Inquisition au Concile de Trente en 1545) dans toute sa splendeur triomphante, face à son ancêtre mythique Énée. Aux pieds de ce dernier, un corps nu, captif, renversé, voluptueux, jaillit presque de la fresque au-dessus du portrait officiel de Nicolas Sarkozy, qu’on devine à peine sur l’image, bien petit au milieu de ces fastes. C’est dans ce bureau que furent tournés La Tosca (le deuxième acte de l’opéra s’y déroule) et Habemus Papam de Nanni Moretti (qui sortira dans quelques mois).
Mais, au-delà de ces scènes un peu anecdotiques, c’est surtout l’occasion de voir la galerie décorée dans les dernières années du XVIème siècle par le Carrache (Annibal), aidé de son frère et de son cousin, qui célèbre l’amour comme fin ultime de la vie, et du pouvoir, opposant Eros et Anteros, amour sacré et amour profane, amour spirituel et amour sensuel. Ces deux là luttent dans trois des pendentifs de la salle, tentant de s’emparer ici d’une palme, là d’une couronne ou essayant d’éteindre la torche de l’autre; le dernier pendentif les voit, réconciliés, s’embrassant. L’ensemble des fresques de la salle représente cette tension entre ces deux amours, les deux Vénus céleste et terrestre, dans de multiples scènes d’amour, de Bacchus, de Jupiter, de Diane et bien d’autres, s’articulant sur plusieurs modes de représentation, tableaux encadrés, statues de pierre, personnages, médaillons, grisailles, le tout dans un trompe-l’œil offrant plusieurs niveaux de profondeur, avec une profusion de signes, de symboles, d’indices.
Dans la galerie présentant les œuvres de la collection Farnèse prêtées par des musées, on est accueilli par le superbe portrait du pape Paul III vieux, du Titien (1543) : à 75 ans, usé par l’âge, voûté, tête nue en signe d’humilité, il rayonne encore d’énergie et de puissance. L’autre Titien, du même avec ses deux petits-fils, est resté à Naples, et il n’y a ici qu’une médiocre copie par Paul-Robert Bazé.
Parmi les nombreux tableaux, j’ai été frappé par le portrait du jeune
Enfin, pour un peu de modernité, dans le Salon d’Hercule (mais il n’y a là qu’une copie de celui de Naples), 18 mètres sous plafond, près de la très belle Abondance (portrait de Giulia, sœur de Paul III et maîtresse du pape Alexandre VI Borgia) et de la plus mûre Charité (toutes deux sculptées par Guglielmo della Porta pour le tombeau de Paul III), on trouve un plâtre de l’Homme qui marche de Rodin. Il rappelle que la statue, fondue en 1910, fut achetée par des mécènes, et offerte à la République Française qui, en décembre 1911 (au moment où elle acheta le Palais aux héritiers des Bourbons de Naples)
Photos de l’ambassade de Zeno Colantoni. Photo de l’Homme qui marche dans la cour du Palais de Cesare Faraglia (1912) courtoisie et © Musée Rodin.