Tout secrétaire d’Etat qu’il est, Laurent Wauquiez devrait se souvenir qu’il vaut mieux tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Fantasme dominant d’une islamisation rampante oblige, le ministre aux affaires européennes pensait avoir enfourché le bon cheval en accusant l’Union Européenne de renier ses origines chrétiennes. L’objet par lequel le scandale arrive a pour nom: l’agenda Europa. Edité par la Commission européenne à destination des lycéens il mentionne dans son édition 2010-2011 les principales fêtes religieuses (Musulmanes, Juives, Hindoues) mais omet les chrétiennes.
L’information interpelle mais perd son caractère scandaleux si on prend le temps de se demander pourquoi. Tout d’abord, il convient de regarder un peu plus prés la philosophie et les objectifs assignés à cet agenda. Un petit tour sur le site internet qui lui est dédié permet de se faire une idée. L’agenda Europa est distribué depuis sept ans à plus de trois millions de lycéens et d’étudiants à travers l’Europe. Il contient des informations susceptibles de les aider dans les différents domaines de leur vie quotidienne ainsi que des illustrations mettant en scène les grands événements ayant jalonné l’histoire de la civilisation.
Si l’édition 2010-2011 comporte la mention de plusieurs fêtes religieuses relatives au judaïsme, à l’islam ou à l’hindouisme mais pas les fêtes religieuses chrétiennes c’est simplement parce que le choix éditorial a été mis sur la découverte des fêtes religieuses méconnues autres que chrétiennes.
L’initiative n’est peut être pas très judicieuse mais elle est loin d’être diabolique. Le concept a surtout offert un superbe cadeau de Noël à de nombreux eurosceptiques.
Ce n’est pas un hasard si la polémique a été lancée en fin d’année 2010 par un eurodéputé britannique. Dans son sillage, des associations Chrétiennes Italiennes et Polonaises manifestent leur émoi. La Conférence des évêques européens met également son grain de sel jugeant ahurissante l’absence de fêtes chrétiennes dans cet agenda.
En France, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, adresse le 23 décembre une lettre à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, dans laquelle elle fait part de son “inquiétude”, de son “incompréhension” et même de son “indignation “. “La Commission européenne peut-elle prétendre à un oubli ? Mais comment peut-on involontairement omettre de mentionner la fête de Noël, célébrée à travers toute l’Europe par de nombreuses personnes, même non chrétiennes ?” écrit notamment Christine Boutin que la présence d’une simple illustration d’un sapin estonien à la date du 25 décembre ne convainc pas.
Le 12 janvier, Laurent Wauquiez, ministre français chargé des affaires européennes, entre dans la danse. Agenda à la main, le ministre lors d’une conférence de presse spécifique a déploré “qu’on parle de Ghandi, de la découverte de la tomate au Pérou ou de l’Antarctique“, mais pas de ce qu’est l’identité européenne.
“Cette initiative, sympathique au départ, est représentative d’une Europe que je n’aime pas et qui ne s’aime pas. Cette Europe-là nie ses racines chrétiennes et met un mouchoir pudique sur ce qu’elle est. L’Europe des clochers ne s’assume pas. Or, une identité refoulée est une identité qui se venge“. “Des fêtes indoues, des fêtes chinoises, musulmanes et aucune fête chrétienne comme Noël ou Pâques. A quoi ça rime?” a attaqué le ministre. “On a honte de notre identité chrétienne? On a honte que l’Europe des clochers a été constitutive de notre identité européenne?”
Face à ces multiples volées de bois vert, la Commission européenne a fait amende honorable. Le porte-parole de la Commission, Frédéric Vincent, a promis une correction des éditions à venir. De son côté, le commissaire européen chargé des consommateurs va écrire dans les semaines qui viennent aux établissements ayant reçu l’agenda pour reconnaître “une bourde“.
“Europe des clochers“, l’expression non choisie au hasard renvoie à celle des minarets et à la polémique autour de la visibilité de l’Islam dans le paysage public européen. Dans les pas de Charles Martel, Laurent Wauquiez pense sans doute avoir sauvé l’Europe. Mais quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Tout de suite c’est un peu de la construction européenne que le ministre est censé défendre qui reste sur le carreau.