C'est l'affaire Laure Antoinette Malivert qui m'a conduit à lire les romans de Robert Caze, cet écrivain bien oublié aujourd’hui, mais qu’on présentait à l’époque comme un concurrent de Maupassant.
On peut trouver facilement certains d’entre eux. Le Martyre d'Annil, et La Sortie d'Angèle, par exemple, ont été republié par la Société jurassienne d'Emulation & Du Lérot éditeur en 2010.
La Société jurassienne d’Emulation? Ça s’explique très bien.
Robert Caze, en effet, est arrivé en Suisse au printemps 1883, à 20 ans. Toulousain d’origine mais né à Paris, il fuyait cette ville où il se croyait sous la menace d'une condamnation à mort, parce qu’il avait été secrétaire du délégué aux relations extérieures de la Commune.
Le 18 novembre de la même année, il se déclare résident de Delémont sous une fausse identité. Marie Robert Alfred de Berzieux. Il travaille pour des journaux radicaux et libéraux, éblouit les Jurassien par sa verve, ses paradoxes, sa bonne humeur.
En 1875, il est nommé professeur d'histoire, de français et de littérature à l'Ecole cantonale de Porrentruy, où il a pour élève Virgile Rossel, futur auteur d'une œuvre importante qui comprend notamment une Histoire littéraire de la Suisse romande des origines à nos jours (Genève 1889-1891).
Rossel le décrit comme un pédagogue nul, avec « d'étranges inégalités d'humeur, tantôt camarade et tantôt despote ». Mais passionné et consciencieux.
Et pour compléter son intégration, bientôt, en 1876, Caze épouse la fille d'un imprimeur qui dirige La Tribune du peuple, journal progressiste.
Cependant, très vite, des frictions se créent avec la direction de l'établissement scolaire. Caze a le goût de la polémique. Il ne peut s'empêcher d'écrire dans les journaux et d’y prendre des positions déconcertantes pour ses ex-amis. Si bien qu'il se met finalement tout le monde à dos et quitte la Suisse en 1880, à la faveur de la loi sur l'amnistie des communards votée par la France le 11 juillet.
Il reprend alors sa carrière à Paris. Courte carrière: six ans plus tard, il se bat en duel, est blessé au foie. Il en mourra six semaines plus tard.
Et voilà ce qui amène aujourd'hui la société juratienne d'Emulation à rééditer deux de ses romans. On reparlera d’eux ici, bientôt.
Précision encore: les détails de la vie de Caze au Jura, je les ai tirés de l'excellente préface qu'Arnaud Bédat et René-Pierre Colin ont donnée à cette édition. Rendons à César...
Robert Caze, Le Martyre d'Annil, et La Sortie d'Angèle, Société jurassienne d'Emulation & Du Lérot éditeur en 2010.
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