Marie Étienne publie simultanément trois livres : Haute Lice et Les Yeux fermés ou les variations Bergman, chez José Corti et Le Livre des recels, chez Flammarion.
Ces trois livres seront présentés dans la rubrique dominicale de Poezibao, « Poezibao a reçu », ce dimanche 16 janvier 2011.
Par ailleurs, le numéro 47 de la revue Nu(e) consacré à Marie Étienne et coordonné par Marie Joqueviel-Bourjea sortira au mois de mars 2011.
Recels
Par bonheur (ou malheur ?), nous voyagions beaucoup, nous changions de pays, de cités, de maisons. Un jour, je ne reconnus pas ma chambre, je recherchai en vain mes robes. Urgence à être belle. Où sont-elles ? Où sont-elles ?
Ici, placards de moi. Et là placards de sœurs, atours que les germinations gonflaient. Pas pour moi. Cherche encore.
Dans le grenier de la grand-mère, cadres portraits vivants, objets en bois poli, à toucher, à lécher. Mais l’aïeule les mesure à son aulne. Alors, quoi ? Pas grand-chose au départ sous l’arrondi du bras. Si ce n’est des images du passé.
En voici deux, flambantes.
Marie Étienne, Haute Lice, José Corti, 2011, p. 29
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On tue une femme ou elle se tue. On ne sait pas. On la retrouve dans le fleuve. On l’a vue sur le pont, il fait nuit. Le fleuve, le pont : un paysage. Ils sont tranquilles et doux, ils possèdent une histoire, permanente. Celle d’une femme qui, différente et la même, a la douleur comme une rage, se voit déteindre assez, dans l’eau des jours, pour se vouloir enfin, trempée, noyée.
Je l’ai aimée, sa silhouette, je l’ai cherchée dans les chroniques de l’Ile en France, dans le journal de la province, debout à feuilleter les faits-divers. Sur la photo, le pont, mais vide. Et l’eau.
Tu comprends, j’imagine, ce qui se pourrait, là, passer, la Loire comme aujourd’hui, épaisse et plate, et nous, devant son eau, massée de mouvements internes, ou plantée d’arbres pâles ; la terre en ordre, malgré l’odeur des digues – çà et là les moissons de pierres entassées, de ciels ; et pesamment le chaud qui baigne la ferveur, l’air qui brise le lisse.
Marie Étienne, Le Livre des recels, Flammarion, 2011, p. 157.
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La poupée, histoires de douces
La marionnette et la poupée, une déclinaison de l’innocence.
L’Idiot est frère de la Poupée, lui aussi, marionnette, dans le burlesque américain, agi, fragile, en proie à sa perplexité, à la malignité des autres. Pas tout à fait victime car il sait se défendre, pas du tout victorieux et encore moins dominateur.
La poupée marionnette cherche à quitter ses fils, prenant appui sur son mentor pour conquérir légèreté et bien sûr liberté. Cette variante de l’idiot est constante et ancienne dans la littérature et le théâtre, au moins. Probablement dans la peinture. Puisque conforme à cette idée que la féminité et la fragilité s’accordent bien ensemble, ce qui permet et justifie la subordination.
Et à présent, voici deux femmes. La Douce d’abord, un Idiot féminin, du même Fedor Dostoïevski. Et Lillian Gish, dans deux films de Sjoström. Deux poupées dont on joue. L’une meurt, l’autre pas. Toutes deux, silhouettes minuscules, l’une dans Petersbourg, l’autre dans l’étendue ventée ou la campagne presque anglaise du Nouveau Continent, dont le puritanisme amène presque Lillian – Hester jusqu’au bûcher.
Marie Étienne, Les yeux fermés ou les variations Bergman, coll. en lisant en écrivant, José Corti, 2011, p. 178.
Marie Étienne dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, aux 20 ans du Nouveau Recueil, extrait 2 (Anatolie), extrait 3, atelier de traduction Maison des Ecrivains(2/06), extrait 3, fiche de lecture de Dormans, extrait 4, un entretien avec Jean-Baptiste Para
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