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Big brother fucker

Publié le 20 janvier 2008 par Philostrate
undefined   Le destin d'un coureur cycliste ne tient qu'à un fil. Une chute du peloton, une descente mal négociée, une averse au mauvais moment, un équipier trop long à démarrer et voilà le travail de toute une saison qui s'écroule en un tour de roue. Sacré leçon d'humilité. De celles qui vous apprennent à courber l'échine quand l'orage gronde… L'explication de la passivité des coureurs devant le sort qui leur est aujourd'hui réservé vient sans doute de là. Oui, le peloton a ses brebis galeuses. Oui, le savoir-faire en matière de dopage de certains de ses leaders est connu de longue date. Mais faut-il pour autant bafouer les droits les plus élémentaires des hommes ayant fait du cyclisme leur profession, faut-il sacrifier le corps tout entier sous prétexte d'en extirper une tumeur ?
   Le "Système d'administration et de gestion antidopage" (ADAMS) mis au point par l'AMA, en vigueur depuis début janvier, ravale le coureur cycliste au rang de sous-homme. Sous couvert d'une plus grande efficacité dans la traque des tricheurs, les membres du peloton doivent désormais être localisables 24h/24, 7 jours/7. Il leur faut donner trois mois à l'avance leur emploi du temps quotidien, afin de pouvoir se soumettre sans délai aux contrôles inopinés des inspecteurs médicaux mandatés par l'Union cycliste internationale. C'est l'œil de Big Brother légitimé par la croisade antidopage, où tous les coups sont permis, pourvu que l'on lave plus blanc.  
   Le monde du sport serait-il devenu un telle zone de non-droit que les belles âmes, qui d'ordinaire froncent les sourcils au moindre début d'atteinte aux libertés individuelles, réelle ou fantasmée, restent sur ce chapitre étonnament silencieuses ? Pas même l'esquisse d'un débat sur les implications morales d'un tel procédé. Dans une société où il est de bon ton d'hurler au flicage, où les caméras de surveillance, les puces électroniques, les écoutes téléphoniques, les fichiers informatiques et même les cartes Navigo suscitent des débats à n'en plus finir, cette mise sous tutelle de la vie privée des cyclistes ne semble heurter personne. Un peu comme si, pour éradiquer la délinquance, le ministère de l'Intérieur demandait à l'ensemble de la population de fournir par avance son emploi du temps aux forces de l'ordre. On imagine le tollé dans les colonnes des journaux…
   Mais là, rien… Peut-être faudra t-il aller encore plus loin pour susciter des réactions ? Equiper les coureurs de bracelets électroniques, localisables en permanence et dotés d'une sirène se déclenchant automatiquement à proximité d'une pharmacie ou d'un laboratoire. Obliger les professionnels à porter sur leurs vêtements de ville un petit vélo jaune brodé, afin que chacun puisse témoigner de leurs faits et gestes et éventuellement les protéger d'eux-mêmes, en mettant en place un numéro vert de délation gratuit. Les tricheurs ayant toujours par définition un coup d'avance, l'hystérie n'est pas près de retomber. À moins que quelqu'un ne se décide à hausser le ton. Désormais composé de coupables en puissance, il y a peu de chances que le sursaut vienne du peloton.

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