Voilà un spectacle qu'il n'aurait pas fallu manquer. Et vous avez jusqu'à demain pour vous y rendre.
Henri IV, un Roi hors du commun, un visionnaire, grand pacificateur, à qui on doit la liberté des cultes et l'esprit de tolérance, le seul dont tout écolier connait l'année de mort, 1610.
Il faut aller aux Mathurins pour se replonger dans l'histoire et passer de beaux moments tant l'interprétation, que dis-je, l'incarnation de Jean-François Balmer (le Bon Roi Henri) et de Béatrice Agenin (la très grande Marie de Médicis) sont remarquables de finesse. Et puis on savoure des dialogues qui font aussi rire sans jamais tomber dans la facilité.
Les décors sont sobres mais efficaces. Les costumes absolument magnifiques, autorisant quelques esquisses de ballets entre les scènes sur de jolies musiques baroques.
La Cour de France n'est pas un monastère. Les femmes y portent des robes échancrées jusqu'au nombril. Le roi jure à tout bout de champ, ce qui offense les oreilles de son confesseur. Ne pouvant changer ses pratiques on lui conseille de modifier la structure des jurons en substituant un autre mot au mot Dieu. Par exemple jarnicoton(au lieu de jarnidieu), qui est plus agréable en bouche, faut s'y habituer, voilà qui est dit.
Quelques instants plus tard le juron favori retentit aussi fort. C'est que le roi ne sait pas se modérer et raisonne comme un enfant quand il s'agit de son propre intérêt. Pour que le peuple soit heureux il faut que le roi soit heureux. Et son bonheur passe par la présence de sa dulcinella, comme il le dit en référence à Dulcinea, l'amour fou du Don Quichotte de Cervantès.
Sa passion amoureuse pour une beauté d’à peine 15 ans sera sa « dernière folie ». Elle aura failli porter la guerre dans l’Europe entière et lui coûtera la vie. Le public a fini de rire. On mesure le poids des mots qui demeurent tragiquement d'actualité : ce qui compte c'est Dieu et pas les religions qui font le malheur des hommes. Lorsqu'on cherche le juste milieu on exaspère et l'Édit de Nantes lui sera en fin de compte tout aussi fatal que ses amours illicites.
Quand vous m'aurez perdu vous connaitrez ce que je valais.
Malgré ses craintes et ses pressentiments, hésitant constamment à interpréter les mises en garde comme des menaces ou des prophéties, le roi ira finalement au devant de son assassin célèbre, Jean-François Ravaillac, que l'absolution donnée par un jésuite conforte dans son intention de meurtre.
A la toute fin le corps du roi est brièvement présenté au public comme une pieta dans les bras de Marie de Médicis en pleurs.
Henri IV Le Bien Aimé, une pièce écrite et mis en scène par Daniel Colas au Théâtre des Mathurins du 17 septembre 2010 au 9 janvier 2011.