Apparemment, notre talentueux président s’éduque auprès des plus grands experts en démocratie. En 2008, il avait semble-t-il décidé de prendre la défense des Tibétains maltraités par le régime chinois. Il avait manifesté son intention de recevoir le Dalaï-Lama et subordonné sa présence aux Jeux Olympiques à des progrès de la Chine sur la voie de la démocratie. Mais les dirigeants chinois ont fait savoir que le Tibet était une affaire intérieure chinoise qui ne concernait en rien les pays étrangers. Donc, pour ne pas s’ingérer dans les affaires chinoises, notre président a renoncé à recevoir le Dalaï-Lama et a tranquillement assisté, accompagné de son plus jeune fils, aux festivités olympiques.
C’est au nom de ce même principe de non-ingérence, inculqué par la plus grande dictature communiste de l’univers, que notre pays d’abstient de porter un jugement sur les événements de Tunisie. Notre ministre des Affaires étrangères va jusqu’à exprimer sa sollicitude pour le dictateur Ben Ali en proposant que la France l’aide à maintenir l’ordre en son pays. Et que penser de cet autre ministre, de la Culture, celui-là, Frédéric Mitterrand, qui ose déclarer : « Il y a une opposition politique mais qui ne s'exprime pas comme elle pourrait s'exprimer en Europe. Mais dire que la Tunisie est une dictature univoque, comme on le fait si souvent, me semble tout à fait exagéré ». Bien sûr, ces pays arriérés, mais si agréables pour les touristes, ne peuvent accorder à leur opposition des libertés réservées aux nobles démocraties du Nord. Donc, interdire les journaux, embastiller sans procès les opposants, les interdire de visas, mettre le pays en coupe réglée, tirer à balles réelles sur des manifestants, tout cela n’est que broutille. Il ne faut pas exagérer ! Certes, et qui exagère au point de nous donner envie de vomir ?
Mais le plus scandaleux dans cette histoire, c’est la nature à géométrie variable de ce principe de non-ingérence. Des élections viennent d’avoir lieu en Côte d’Ivoire, pays vraisemblablement tout aussi indépendant que la Tunisie. Peut-on imaginer domaine plus intérieur que celui-ci, le choix par un pays de son dirigeant suprême ? Comment donc le président de la France peut-il se permettre de lancer, en des termes offensants, un ultimatum au président sortant d’un pays ami et fermer les yeux devant la répression sanglante qui s’abat sur l’opposition dans un autre pays, tout aussi ami ?