Il faut être un âne ou avoir le sentiment d'être au-dessus des lois comme Zemmour pour employer encore le mot race ! Il y a belle lurette que l'extrême droite ne tombe plus dans le panneau.
Ce week-end à Tours, le Front National choisira un nouveau chef en la personne de Marine Le Pen. Pour la 1ère fois depuis les années 1930, il ne parait plus insensé que l'extrême droite accède aux plus hautes responsabilités, le plus légalement possible, seul ou en s'alliant avec la droite dite classique.
C'est le résultat d'un long travail de reconquête...
Après mai 68, la droite française, le patronat et l'extrême droite ont entrepris un long travail souterrain pour contester la domination idéologique de la gauche, celle qui conduira F. Mitterrand à l'Élysée. Les circonstances économiques et historiques donneront un coup de pouce à ce travail de reconquête idéologique et politique.
La rénovation du discours xénophobe :
La collaboration (discrédit complet) et l'invalidation scientifique des thèses biologistes sur les races (il n'y a qu'une seule race humaine) ont contraint l'extrême droite à rénover son discours : le fond idéologique et les objectifs demeurent, mais la forme du discours change.
Autrefois, son discours traditionnel reposait sur la notion de race. L'extrême droite affirmait que l'identité nationale était menacée de disparition par la venue d'étrangers, voire de juifs, qui allaient diluer et faire disparaitre la race française par métissage...
A la fin des années 60, Alain de Benoist et d'autres intellectuels, au sein du GRECE vont modifier le vocabulaire pour défendre les mêmes idées. Le racisme racial se transforme en racisme culturel. Ainsi, l'identité nationale ne repose plus sur la race (argument devenu intenable) mais sur l'ensemble des pratiques culturelles du peuple. Pour ces intellectuels, l'apport culturel des migrants n'est pas une richesse qui enrichit la culture "nationale". Ils considèrent la culture occidentale supérieure aux autres. Aussi, ils en déduisent que l'identité nationale est menacée par les apports culturels des immigrés, forcément inférieurs, mineurs, voire nuisibles...
Dernière offensive idéologique, depuis quelques mois, l'extrême droite s'est emparée de la laïcité, un principe politique qu'elle a pourtant historiquement combattue dès l'origine aux côtés de l'Église. Sa conception de la laïcité est tronquée, dévoyée et dénaturée, puisqu'elle l'utilise pour dénoncer exclusivement le prosélytisme d'une seule religion. Cette laïcité tronquée est mise au service, non pas de la liberté de conscience et de croyance, mais exclusivement de la défense de la culture "nationale" et donc de l'identité nationale... Cette laïcité d'extrême droite - qui n'en est pas une - honnit tout métissage culturel.
La promotion du néo ou ultra-libéralisme :
A la Libération, le patronat est exsangue, il compte peu de membres issus des rangs de la Résistance... Il n'a pas voix au chapitre : la haute fonction publique ainsi que la classe politique le méprisent (depuis les temps ont changé). Il n'est pas un acteur idéologique de 1er rang. Le rapport des forces lui est globalement défavorable. L'arrivée des Chicago Boys au Chili et l'émergence des idées libérales aux États-Unis montrent la voie à un patronat qui a du, une fois encore en mai 68, accorder d'importantes concessions au mouvement ouvrier.
En son sein, Georges Albertini et son bras droit, Guy Lemonnier alias Claude Harmel, sont chargés de recruter de brillants éléments qui défendront les idées "libérales"... Ils chassent dans les milieux étudiants de l'extrême droite qui partagent avec eux la haine du marxisme, du communisme, de la gauche, et en général, la haine des idées d'égalité sociale. Et puis, du libéralisme économique au darwinisme social, il n'y a qu'un pas...
Pour toutes ces raisons, ils recruteront à tour de bras à Occident, au FN naissant ou au GUD. Certains seront , durant leurs études, directement salariés au CNPF, l'ancêtre du Medef, comme Gérard Longuet au service de presse, ou dans d'autres officines comme l'ALEPS ou l'Institut supérieur du travail. Seront formés de jeunes gens qui iront plus tard, au plus haut niveau, défendre et répandre les idées néo-libérales, aujourd'hui dominantes : Devedjian, Robert, Novelli, Griotteray ou Madelin...
Des circonstances favorables au rapprochement des droites :
- La chute de l'URSS et la domination de l'Empire américain, la soumission de la social-démocratie au libéralisme économique et à la mondialisation dérégulée, le rôle capital des médias dominants entre les mains des forces du Capital constituent autant d'éléments décisifs qui favorisent la domination idéologique du néo-libéralisme.
- La crise économique et sociale provoquée par les politiques néo ou social-libérales sont un terreau favorable aux idées xénophobes. Ajoutons, la création de l'UMP qui marque l'abandon de l'héritage du gaullisme. La droite est devenue si décomplexée qu'elle occupe le terrain de l'idéologie frontiste. En 2007, cette manœuvre sarkoziste a parfaitement fonctionné, mais la crise sociale perdurant, le FN retrouve des scores à deux chiffres ! A force de récupérer l'idéologie xénophobe, la droite classique a banalisé et légitimé le FN.
Aujourd'hui, le cordon sanitaire s'effiloche dans un climat délétère... L'UMP et le FN partagent le même fond idéologique : xénophobie et néo-libéralisme.
Aussi, il n'est pas impossible que fleurissent bientôt, ici et là, des accords locaux officiels entre ces deux formations... Voire un accord national lorsque l'opération cosmétique de Marine le Pen aura reçu l'imprimatur des médias dominants, comme Gianfranco Fini en Italie, l'ami de Sarkozy...