Les temps sont décidément durs pour l’écologie. Selon l’AFP, Benoist Apparu a plaidé, ce mercredi 12 janvier, pour une « nouvelle lecture du principe de précaution ». Il aurait ainsi déclaré devant les membres du Club 89 qu’à cause de ce principe « dés que l’on ne sait pas on interdit tout ». Et d’ajouter, en prenant l’exemple des OGM : « le principe de précaution peut figer les choses (…) Si l’on ne fait pas de recherches, comment va-t-on savoir si c’est risqué ou non ? ».
Il est regrettable que le principe de précaution soit de nouveau présenté comme un principe « anti science », qui s’opposerait au progrès des connaissances et susciterait la peur. Bref, le principe de précaution n’est pas ce symbole de l’obscurantisme.
Caricaturer ainsi le principe de précaution en présence de son principal ennemi – Claude Allègre – et alors que l’on est Secrétaire d’Etat de la personne – Nathalie Kosciusko-Morizet – qui a permis de l’inscrire dans la Constitution, n’est pas anodin. C’est au contraire un geste politique important qui n’en est que plus préoccupant.
La stratégie de la « nouvelle lecture ». Les déclarations de Benoist Apparu correspondent malheureusement à la dernière phase de la stratégie mise en place par les opposants au principe de précaution.
Pendant longtemps les détracteurs du principe de précaution ont tenté de s’opposer à son inscription en droit. Toutefois, Michel Barnier alors Ministre de l’Environnement a introduit ce principe dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Plus tard, c’est Nathalie Kosciusko-Morizet, alors députée, qui a proposé et obtenu que ce principe soit inscrit dans la Charte de l’Environnement, adossée à notre Constitution. Grâce à son intervention, le principe de précaution a donc été inséré dans la norme fondamentale de notre pays, au plus haut niveau de la hiérarchie des règles de droit.
Les opposants au principe de précaution, peu nombreux mais très bruyants, ont alors cherché, non plus à sortir le principe de précaution du code de l’environnement mais à le vider de sa substance. C’est la stratégie de la « nouvelle lecture ». A défaut de pouvoir éliminer le principe de précaution, on va donc tenter d’en faire une coquille vide en proposant une nouvelle définition de son contenu.
C’est ainsi que deux députés ont récemment publié un rapport parlementaire proposant justement de reconsidérer le contenu du principe de précaution. La stratégie de la nouvelle lecture. Concrètement, certains parlementaires ont d’ores et déjà milité pour qu’une loi soit votée qui permettrait de modifier la définition du principe de précaution, actuellement inscrite à l’article L.110-1 du code de l’environnement.
Dans le contexte actuel de remise en cause du compromis du Grenelle de l’environnement il est à craindre qu’une telle loi ne soit pas très favorable (- c’est un euphémisme au principe de précaution. Il est plutôt permis de penser que le principe de précaution, qui est d’abord un principe d’appel à l’intelligence, à l’expertise et au débat, soit étranglé par toute une série de « garde fous » permettant d’en réduire le champ d’application.
Il existe donc un vrai risque, grâce cette stratégie de la nouvelle lecture, que le principe de précaution ne soit privé de tout effet utile. Pourtant, le principal risque ne tient pas à l’application du principe de précaution mais à son absence d’application. Les décisions publiques et de justice fondées sur le principe de précaution sont assez rares tant il est vrai que ce dernier ne s’applique qu’à des situations très spécifiques.
Il convient donc de s’interroger sur le motif exact de cette hostilité envers ce principe. En réalité, celui-ci est d’abord le bouc émissaire d’une pensée anti écologiste qui ne s’en prend pas directement à l’écologie mais à l’un de ses fondements. Par ailleurs, le principe de précaution questionne le rapport du politique à l’expert, ce que certains experts ne souhaitent justement pas. Enfin, c’est aussi une conception du progrès qui est en jeu, ce qui n’est pas mince. Le principe de précaution invite au doute, au questionnement, au débat et, somme tout, est assez peu oligarchique. Or, une certaine oligarchie ne souhaite pas que l’on conteste son rôle et sa légitimité.