Les 35 heures auraient freiné l’emploi et les salaires. Pis,
elles auraient handicapé la compétitivité française. Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé et Manuel Valls se relaient au micro pour le prétendre. Ne consultent-t-ils jamais les statistiques
avant de propager une idée toute faite ?
Si les 35 heures eurent un effet sur l’emploi, il fut sans aucun doute bénéfique. Au classement européen, la France figure même parmi les pays ayant créé le plus d’emplois depuis le
début du processus. Entre 1998, lorsque les 35 heures furent mises en œuvre, et 2009, le nombre total d’emplois s’y est accru de 15% en France. Seules l’Espagne et l’Irlande ont fait mieux, au
cours d’une expansion aussi frénétique que fragile.
Mais que dire de l’Allemagne (moins de 9%), du Royaume Uni (à peine 6%) ? Et ne parlons pas du Danemark, dont la - coûteuse - politique de l’emploi servit un temps de modèle au Premier ministre :
le nombre des emplois s’y est accru de… 3,8% seulement en onze ans selon Eurostat !
Ces chiffres sont éloquents. Ils montrent que le taux de chômage peut régresser, même si l’emploi stagne. Dans de nombreux pays, les gouvernements se sont contentés de dissimuler le chômage en favorisant le travail partiel, voire l’invalidité. Ils ont en somme partagé le chômage, pendant qu’en France, les 35 heures partageaient l’emploi.
Le pouvoir d’achat des salaires ne fait malheureusement pas l’objet de statistiques comparées gratuites. Déchiffrages n’ayant pas les moyens d’en offrir de payantes à ses lecteurs, il lui faut contourner l’obstacle, et se référer au coût salarial unitaire réel, c’est-à-dire ce que coûte en salaires et charges sociales un euro de production nationale, inflation défalquée.
A cette aune, la France n’a pas particulièrement brillé depuis 2000. Le coût unitaire y a cependant progressé plus que la moyenne européenne ; et beaucoup plus qu’en Allemagne, où ce coût a régressé à mesure que la protection sociale reculait. Et ne parlons pas de la Pologne, qii inaugura le XXIème siècle avec une très sévère régression.
Quant à la compétitivité française, si chère à Manuel Valls, celui-ci se rassurera en lisant le supplément statistique du bulletin de la Banque de France (mars 2010).
Son indicateur (la courbe en bleu turquoise) illustre l’amélioration quasi incessante de la compétitivité française par rapport aux autres pays de la zone euro, depuis la mise en œuvre des 35
heures.
Ainsi, la réduction du temps de travail a accéléré les créations d’emploi, sans nuire ni aux salaires, ni à la compétitivité des entreprises françaises. S’ils cherchent bien, Nicolas
Sarkozy, Jean-François Copé et même Manuel Valls devraient trouver des questions plus urgentes, pour animer le débat politique d’ici à la présidentielle de 2012.
POST SCRIPTUM
Fâcheux oubli ici réparé : la comparaison internationale de la durée annuelle moyenne du travail fournie par l’OCDE. Ce nombre d’heures tient compte de tout : durée hebdomadaire, congés payés, jours fériés, temps partiel, réduction du temps de travail, etc.
La France, tout compte fait, n’est donc pas le pays où l’on travaille le moins, loin s’en faut. Belgique, Irlande, Norvège, Allemagne et Pays-Bas la devancent à ce classement, pur des raisons diverses. En Allemagne, un salarié à temps complet travaille moins d’heures qu’un France dans la semaine. Aux Pays-Bas, l’expansion exceptionnelle du travail à temps partiel explique largement la première place à ce classement.
Source : PS Plateau Caux Cailly