L’art de suggérer des histoires.
Je viens de découvrir une illustratrice remarquable, Agata Kawa, grâce à un blog très intéressant : 31 Grande Rue d’une “soeur de goût” que je vous conseille vivement de visiter.
Agata Kawa est une illustratrice française d’origine slave qui raconte très bien son parcours sur cette page de son site. On y apprend au passage qu’elle est fascinée par le monde des contes, et que son graphisme s’est nourri des plus grands : les illustrateurs illustres tels que Rackham, Bilibine, Nielsen, Dulac, Bauer et les peintres préraphaélites comme Burnes-Jones, Moreau, Khnopff, Leighton, Waterhouse, Millais… Elle s’appuie sur des textes qu’elle aime, poèmes, contes, et laisse exprimer sa part d’enfance… avec une grosse dose de talent, et un savoir-faire qui n’exclut pas le numérique. Alors voilà pour l’explication. Reste la magie du résultat, dans le style des “Old Fairy Tales”…
Pour ma part, j’ai fait l’acquisition du superbe album Le Carnet Rouge, né d’une collaboration surprenante entre elle et Benjamain Lacombe (oui, encore lui), sauf que cette fois-ci, notre cher illustrateur a écrit les textes ! C’est elle qui a fait la maquette graphique et toutes les illustrations. Le résultat est doublement réussi : il a le mérite d’être un magnifique objet, et de raconter une belle histoire, à la fois rêveuse et instructive.
En effet, Le Carnet Rouge raconte, à sa manière (elliptique et onirique), l’histoire de William Morris (dont j’ignorais à peu près tout jusqu’à mon achat), alors qu’il est tout de même une figure importante de l’histoire des Arts du XIXème siècle ; à la fois écrivain, poète, peintre, architecte, designer textile, qui initia le mouvement des Arts & Crafts (qui allaient eux-même influencer l’Art Nouveau…)… Je trouve ça génial qu’un album pour enfants fasse le pari de s’attacher ainsi à un destin de créateur et à raconter ou plutôt suggérer, les sources de l’inspiration, les voies de la vocation, les chemins qui mènent des rêves de l’enfance aux créations d’un artiste. Un album qui ne prend pas les enfants pour des idiots, qui ne bêtifie pas, qui apprend quelque chose sans rien inculquer. Qui parle même de l’ennui et de la solitude comme ferments de la créativité… Un album résolument à contre-courant de notre époque.
Et le texte qui se mêle librement aux images parle de cette liberté recherchée par le jeune garçon. Agata Kawa, justement, a réussi un album qui évoque une puissante nostalgie pour ce passé fantasmé de l’Angleterre à l’époque victorienne, en utilisant les couleurs caractéristiques prisées par Morris, et fondatrices de toute une esthétique.
Agata Kawa, je suis ravie de vous connaître.