Le musée Cernuschi expose une collection de photographies des différents temples d’Angkor, bâtis entre le IXème et le XIIIème siècle puis engloutis par la forêt, au cours de leur dégagement de la toison végétale qui les recouvrait en 1900. L’exposition, ponctuée de grands panneaux historiques sur le règne des rois cambodgiens, suit l’ordre chronologique de construction des sites dont la topographie est rappelée sur des plans qui jalonnent le parcours.
La difficulté d’accès de cette exposition tient à ce qu’elle mélange deux chronologies, toutes deux incomplètes. D’une part, la visite suit donc la chronologie de la construction des temples, dans laquelle le visiteur se perd un peu, malgré les repères qui lui sont fournis (le nom des rois bâtisseurs n’est pas d’un grand secours, car on mélange très vite tous ces Jayavarman successifs et leurs homologues aux noms tout aussi khmers). D’autre part, les photos, elles, restituent les travaux réalisés sur ces temples : à quelques aquarelles de Jean Commines, conservateur du site en 1900, succèdent des photos prises au cours du siècle par les archéologues intervenant sur les sites.
Du coup, on ne sait plus bien finalement ce qu’on vient voir : les temples, ou l’album souvenir de l’Ecole Française d’Extrême Orient ? On se trouve donc un peu frustré, d’autant que l’abondance des textes (légendes et panneaux) et, paradoxalement, la parcimonie des illustrations (il n’y a pratiquement pas de schémas) ôte beaucoup de substance à la seconde dimension. La performance technique que représente l’anastylose (c’est-à-dire le démontage et le remontage des temples bloc par bloc) est difficile à appréhender au travers de quelques photos au cadrage variable qui ne constituent pas des séquences.
Au long des 108 photos qui constituent l’exposition, on regrette également de voir si rarement les temples sous leur couverture végétale. Les quelques exceptions, un visage géant enturbanné de racines ou un temple envahi par d’immenses fromagers, laissent pourtant deviner une fascinante beauté dans ce mariage des pierres et des arbres. Esthétiquement aussi, l’expérience est donc plutôt frustrante.
Finalement, cette exposition pèche sans doute par une conception insuffisamment imaginative, et par l’excès de rigidité – ou le manque de moyens – qui a empêché de compléter la perspective offerte par les photos du fonds par d’autres clichés, plus récents ou en couleurs, en tous cas susceptibles de boucher les trous de l’album et de fournir une vision moins parcellaire et plus organisée des différents temples. Le projet de l’exposition tel que l’annonce son titre est, cela dit, strictement respecté : le visiteur déçu ne s’en prendra donc qu’à lui-même.
Archéologues français à Angkor, Musée Cernuschi