Un cadeau de 18 milliards au FMI peut en cacher un autre

Publié le 12 janvier 2011 par Francisrichard @francisrichard

Avec une alliance du centre et de la gauche, malheureusement, le pire n'est pas seulement à craindre, il est quasi certain. En effet le Parlement suisse est en bonne voie depuis hier d'octroyer généreusement 18 milliards de francs de ligne de crédit au FMI, soit la bagatelle de 2'400 francs, par habitant de la Suisse, en comprenant tout le monde, hommes, femmes et enfants. C'est beau, c'est grand, c'est généreux la Suisse...avec l'argent des citoyens.

Le 6 mai 2009, le Conseil fédéral adresse un message au Parlement ici, dans lequel il propose d'adopter "un projet d'arrêté fédéral concernant une contribution extraordinaire, limitée dans le temps, destinée à augmenter les ressources du Fonds Monétaire International, dans le cadre de l'aide monétaire internationale". Il s'agit d'une tranche de 12,5 milliards de francs, prise sur les réserves de la BNS [Banque nationale suisse], avec la garantie du Conseil fédéral. Le Conseil des Etats n'hésite pas. Le 27 mai 2009, il approuve ce projet d'arrêté fédéral par 28 voix contre 4 et 5 abstentions ici.

Le 8 septembre 2010, le Conseil fédéral adresse un nouveau message au Parlement ici, dans lequel, cette fois, il propose de ratifier les Nouveaux Accords d'Emprunts, NAE, du FMI qui porteront la participation de la BNS de 1,5 milliard de DTS, soit 2,4 milliards de francs, à 10,9 milliards de DTS [voir mon article La dernière motion d'Oskar Freysinger: sortir la Suisse du FMI ], soit 18 milliards de francs. Le Conseil des Etats n'hésite pas davantage et approuve ces NAE lors de sa séance du 13 décembre 2010, par 30 voix et 3 abstentions ici.

Pendant ce temps-là, le Conseil national suspend son approbation de la première partie depuis 18 mois, ce qui conditionne l'approbation de la seconde. Est-ce pour le bon motif, c'est-à-dire pour la bonne gestion des deniers publics ? Pas du tout. Cette suspension est due à la gauche qui entend lier ces nouveaux crédits à accorder au FMI avec l'aide publique au développement. Elle ne donnera pas son accord autrement. Et comme l'UDC s'oppose à cette augmentation... 

En 2009, la Suisse a consacré 0,47% de son Revenu national brut au développement, alors que le taux moyen des pays de l'OCDE est de 0,48% ici. En 2010 ce taux a diminué et devrait être de l'ordre de 0,426%. Sous l'aimable pression de la gauche le Conseil fédéral pense ici qu'il serait raisonnable d'atteindre linéairement l'objectif de 0,5% en 2015. Le Conseil des Etats approuve finalement un objectif de 0,45% pour 2015 lors de sa séance du 9 décembre 2010, par 27 voix contre 9 et 3 abstentions ici.

Au Conseil national, comme dit plus haut, les positions sont claires : l'UDC souhaite que le taux de l'aide publique au développement soit diminué, tandis que la gauche souhaite qu'il soit augmenté. Ces positions contraires ont le mérite de créer une majorité de blocage. Or la Commission de politique extérieure, CPE, du Conseil national vient de débloquer la situation. En effet, avant-hier, elle a accepté par 14 voix contre 9 les NAE, qui se traduiront par une ligne de crédit de la BNS au FMI de 18 milliards de francs ici.

En effet ces 18 milliards correspondent au deuxième volet, celui des NAE. Quid des 12,5 milliards votés par le Conseil des Etats en mai 2009, qui correspondent à "une contribution extraordinaire limitée dans le temps" ? Un cadeau de 18 milliards peut en cacher un autre. Pour ajouter à la confusion, l'UDC parle, elle, de 16,5 milliards de francs d'augmentation des "nouvelles garanties de crédit" de la BNS ici. Or 18 milliards moins les 2,4 milliards initiaux donnent 15,6 milliards...Petite inversion des deux derniers chiffres ?

Toujours est-il que le centre a plié devant la gauche au sein de la CPE et qu'il a approuvé, présidente en tête, la radicale-libérale Christa Markwalder [dont la photo ci-dessus provient d'ici], une augmentation de l'aide publique au développement pour faire passer les 18 milliards de crédit au FMI, auquel il tient tant. C'était bien la peine de faire de la résistance pendant 18 mois !

Certes c'est toujours 18 mois de gagnés avant de passer à la caisse. Car il ne faut se faire aucune illusion : il y a peu de chances que la Suisse revoit ses deniers, convertis en DTS, soit en monnaie de singe, s'ils sont utilisés...Heureusement que la Commission propose et que le Conseil national dispose. A suivre donc...lors de la session de printemps.

Francis Richard