Dimanche dernier, comme chaque deuxième dimanche de janvier depuis des années, avait lieu à Berlin un émouvant défilé politique : celui en hommage à Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, assassinés par les précurseurs du fascisme le 15 janvier 1919. Ces deux figures de la révolution spartakiste allemande, révolution qui échouera et permettra au nazisme de se développer une fois tous les opposants politiques éliminés, restent aujourd'hui un symbole fort de la gauche. Je me rappelle mes cours d'Histoire allemande à l'université d'Aix et la théorie marxiste de mon professeur d'alors, nous démontrant par des seuls documents d'époque authentiques (discours, articles…) que cette révolution fut à peu près la seule "chance" avortée de l'Allemagne d'échapper à la montée du fascisme et du nazisme. J'étais à ce défilé en compagnie de mes "hommes en noir", guides précieux dans le Berlin d'aujourd'hui où Histoire passée, présent et futur incertain à leurs yeux se rejoignent. Il y a des Allemands qui ont peur d'eux-mêmes, de leur pays et qui restent sur un certain "qui-vive". Participer à ce défilé est donc une façon de garder la mémoire vive d'un passé bien sombre. En parallèle était organisée la 16ème conférence Rosa Luxemburg dont le thème cette année était une phrase de Rosa "Apprendre comment nous devons lutter".
Une jeune manifestante tenant le portrait de Rosa et quelques oeillets à déposer sur sa tombe
Cette manifestation était quasi "obligatoire" du temps de la RDA, mais maintenant c'est la gauche berlinoise toute entière, voire internationale qui s'y retrouve (j'ai entendu dire que Mélenchon était présent au meeting qui a eu lieu ensuite). Parmi les participants, les nostalgiques de la DDR avec la présence sérieuse de petits vieux mal fagotés (j'écris ces mots gentiment, ne vous méprenez pas), des jeunes antifascistes qui veulent en découdre avec les jeunes fachos, des punks accompagnés (souvent) de leur bière, des intellectuels, des sympathisants, des familles, tous ceux qui pensent que ces deux morts sacralisés dans un monument à leur hommage avaient, ont toujours des choses à nous dire, comme la phrase scellée sur la stèle le proclame : "Die Toten mahnen uns."
Le drapeau d'un pays qui n'existe plus depuis 20 ans…
Un punk pensif et son drapeau "fait maison"
Le drapeau des Kurdes communistes turcs
"Les Morts nous parlent" La tombe de Rosa Luxemburg et karl Liebknecht
La stèle fleurie d'oeillets des victimes socialistes du fascisme
Comme d'habitude, la manifestation, très tranquille, était encadrée par die Bullen (les CRS allemands) harnachés pour l'assaut et la castagne et surtout caméra au poing pour filmer sans se cacher tous ces dangereux "gauchistes"… Le plus drôle, c'est que lorsque le cortège se rapprochait du Mémorial, ceux-ci étaient obligés de se mélanger aux manifestants, avant de disparaître complètement. Le long de la dernière chaussée menant à la tombe, des stands offraient tracts, stickers, vendaient des livres, de la soupe chaude ou des saucisses, le tout dans une ambiance de kermesse dominicale…
Pour finir, je vous conseille vivement la lecture de cet article du Monde diplomatique "Le Fantôme de la Postdamer Platz" de Bernard Umbrecht pour comprendre le mouvement de Spartakus et découvrir comment Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ont été assassinés. J'ai le fameux socle vide en photo dont il est question dans le texte, je l'ajouterai à mon retour en France quand j'aurai accès à mes archives.