Un beau gâchis
L'exposition Mœbius à la fondation Cartier est très bien. On peut regretter le partie pris de la présentation à l'horizontale de certains dessins, ce qui oblige le curieux à littéralemennt ramper sur le pupitre pour pouvoir observer les détails des miniatures. Mais bon, c'est tout de même une visite très enrichissante. Le catalogue en revanche ne m'a paru ne contenir que du déjà-vu pour l'amateur, alors que l'expo présente un nombre incroyable d'inédits... C'est tout à fait regrettable. Aussi j'ai privilégié, en fin de parcours, l'achat du DVD du film qui était projeté au sous-sol. En effet après deux heures de visite j'en ai, en général, plein les pattes et j'ai plus envie de manger un cheeseburger et de boire une pression dans un digne estaminet tout en discutant des œuvres vues que de regarder un documentaire.
C'est donc chez moi que j'ai pu voir Métamoebius de Damian Pettigrew...
Grosse déception. Alors qu'il suffit de poser Giraud devant un micro pour qu'il se mette à raconter quelque chose d'intéressant sur l'art, les relations humaines, les voyages, la vie, alors qu'il suffit de le regarder dessiner pour vivre une expérience inoubliable, et bien ce film passe complètement à côté de son sujet.
Il semble que Giraud ait participé à l'élaboration du concept... Un conceptmarrant sur le papier. Jean Giraud passe un casting pour un film d'un réalisateur imaginaire sensé provenir du Désert B. Assister à des castings ou à des répétitions théâtrales est un vrai calvaire. Voir Mœbius s'adonner à cet exercice masochiste pendant de longues minutes est douloureux. Surtout quand on pense à ce qui aurait pu être fait, avec moins de prétention et d'attitude "arty". Le pire c'est que Pettigrew suit Giraud depuis longtemps, plus de dix ans, et qu'il a forcément en stock le materiau nécessaire pour faire un grand film sur Giraud, comme le Mystère Picasso fut un grand film sur le catalan. On trouve d'ailleurs un hommage au film de Clouzot dans ce naufrage qu'est Métamoebius. Le film sur Gir/Moebius reste donc à faire. Espérons que le septième art ne passera pas à côté de ce qu'a si bien réussi la radio, en l'occurrence France-Culture qui dès 1987 ou 88 consacra cinq ou six heures à l'artiste dans un excellent Le bon plaisir de Jean Giraud-Gir-Mœbius qui a marqué à jamais ma mémoire. France-Culture encore qui, il y a deux ou trois ans, produisit sur le même artiste une nouvelle série d'entretiens, dans À voie nue, si je ne me trompe pas.
Toutefois je puis terminer sur une note positive. En complément de programme le DVD permet de voir du même réalisateur un documentaire plus ancien, Mister Gir et Mike S. Blueberry, qui montre Giraud à l'époque de la sortie du Blueberry Géronimo L'Apache et de la préparation de 40 days dans le Désert B. Ce film beaucoup plus simple et traditionnel dans sa construction est beaucoup plus intéressant. On y voit Giraud parler, dessiner, se mouvoir, et non débiter un texte abscons en faisant semblant d'être un mauvais acteur. Ces images ayant une dizaine d'années, on y retrouve un Giraud plus jeune que dans le film que l'on a vu préalablement. La constatation de ce décalage est poignante. Dans le visage ridé de Jean Giraud c'est notre propre mort que l'on peut regarder dans les yeux.
Métamoebius, DVD, 20€. Indispensable pour le fan, dispensable pour les autres.
Moebius TranseForme, exposition jusqu'au 13 mars 2011 à la Fondation Cartier, fermée le lundi.