Dans toutes les branches de l’Art, qu’il s’agisse de cinéma, de théâtre, de peinture ou dans notre cas de musique, le problème est le même.
Il y a les légendes auréolées à tout jamais de leur gloire, et il y a ceux qui ont percé, mais qui resteront à tout jamais dans l’ombre de l’éclipse générée par ces même légendes. Du moins dans l’inconscient collectif.
Dans la soul, à l’ombre de Marvin Gaye et James Brown, il y a Bobby Womack.
Je pense que ce nom me serait resté inconnu si je n’avais pas vu Jacky Brown il y a quelques années de cela, et si je ne m’étais pas précipité sur sa BO.
Car Tarantino, outre ses fantastiques qualités de digestion d’influences cinématographiques, possède aussi une solide culture musicale.
Ce qui est plutôt bon, tant on ne compte plus les groupes, chansons ou artistes qu’il a fait revenir au goût du jour grâce à l’un ou l’autre de ses films.
Pour Womack, il s’agissait du morceau présent lors du générique de Jacky Brown (lorsque Jacky arrive à l’aéroport), en l’occurence Across the 110th Street.
Le morceau qui était déjà présent dans un film de blaxploitation éponyme ressorti donc de l’oubli dans les années 90 et sans doute avec lui son auteur.
Bobby Womack travailla durant les sixties en tant que sideman. Ecrivant ça et là quelques chansons, et surtout dispensant ses talents de guitariste pour Aretha Franklin, Janis Joplin ou encore Sly & the Family Stone.
S’ensuivit ensuite une carrière dans la soul/R&B qui de 1968 à 1985, aligna quelques perles comme Harry Hippie, la reprise de California Dreamin ou encore de All Along the Watchtower (que, soit dit en passant, je préfère largement à celle d’Hendrix), You’re welcome, stop on by, etc…
S’il va sans dire que les seventies furent une époque bénie pour lui, la transition avec les années 80 fut plus compliquée. Notamment à cause des sempiternelles divergences artistiques avec la maison de disques.
Eh oui, l’entrée dans les années 80 correspond pour l’industrie musicale à la production d’artistes susceptibles de ramener un max de pognon sur un court laps de temps, plutôt que la production d’artistes capables de durer…
Malgré cela il parvint quand même à sortir deux albums, et à connaitre son dernier succès en 1985.
Et puis après presque 15 ans sans nouvelles, Bobby Womack est revenu. Grâce à l’intervention d’un iconoclaste de la pop : Damon Albarn.
L’anglais eut en effet la bonne idée de venir le faire chanter sur deux morceaux du dernier album de Gorillaz. Le single Stylo, et la très belle Cloud of the unknowing, sur lesquelles il déployait la beauté de ses qualités vocales.
Car ce qui fait vraiment le charme et la force de cet artiste, c’est bien sa voix particulière. Délicieusement éraillée, capable de monter dans les aigus lors de cris surpuissants, elle est absolument emblématique et immédiatement identifiable. Une voix chaude, qui peut se faire envoûtante, et qui apporte aux morceaux les plus soul cette capacité à vous toucher au coeur.
Alors oui, je vous engage à courir découvrir plus de Bobby Womack, si ce nom vous était inconnu jusqu’à aujourd’hui.
Et en guise d’introduction, je vous propose ce très bon unplugged (l’un des meilleurs moyen de juger du talent brut d’un chanteur/musicien) tiré de l’émission Later de Jools Holland.
Vous y découvrirez deux de ses morceaux les plus connus, dépouillés de toute fioriture, et réduits à l’essentiel : une voix, une guitare et surtout, une âme.
Bonne écoute à tous, et n’oubliez pas de rester curieux !
Illustration par Sam Markiewicz | CuttingPapers