Par Fabienne
Après une longue période d’absence de renouveau photographique, Nan Goldin s’explique sur une année de « renaissance », l’occasion de voir l’un de ses rêves se réaliser : celui d’intervenir dans l’enceinte du Louvre.
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Après vous avoir parlé de l’art contemporain russe installé au musée du Louvre, nous revenons aujourd’hui sur une exposition qui a ouvert ses portes au public en novembre dernier et qui prendra fin le 31 janvier prochain : Les visages et les corps.
Pour prendre la suite de Robert Badinter, Toni Morrison, Anselm Kieofer, Pierre Boulez (« Fragments » en 2008) et Umberto Eco (« Vertige de la liste » en 2009), c’est une des figures emblématiques du cinéma et du théâtre qui a répondu favorablement à l’invitation du Louvre : Patrice Chéreau. Convié à concevoir une manifestation « complète » à base de théâtre, danse, musique, rencontre, exposition -composée d’une quarantaine d’œuvres issues des collections permanentes du Louvre, du Centre Georges Pompidou et du Musée d’Orsay-, il a également proposé à Nan Goldin d’y participer.
« L’invitée » -qui s’est exprimée avant-hier sur cette participation- s’est donc employée à travailler sur une œuvre intitulée : « Scopophilia », un diaporama d’une trentaine de minutes composé de photographies -dont de nombreuses inédites-résultant de plus de 8 mois de prises réalisées dans l’enceinte même du Louvre et savamment mises en parallèle avec des clichés moins récents. Personnages peints et figures contemporaines présentés en regard l’un de l’autre. Nous retrouvons ici tout le registre de la photographe accompagné de ses trouvailles au sein du Louvre. Une occasion inespérée pour elle et une source de renouveau, ses déambulations lui ont donné les moyens de relancer une activité laissé en berne durant trop longtemps…
Jamais je n’aurais pensé dans ma vie pouvoir être au Louvre. C’est un rêve devenu réalité…
Pendant plusieurs années, j’avais arrêté de prendre des photographies. Cette commande du Louvre m’a remise au travail d’une façon très profonde
Cet exercice imposé par « l’invitation » lui a permis de vivre l’expérience du « regard fasciné », de la Scopophilie , expliquée par Freud comme une forme de pulsion sexuelle initiée par le plaisir de regarder.
La peinture a provoqué chez moi une sensation puissante qui m’a été décrite comme de la scopophilie, consistant à ressentir un désir intense, éprouvé et assouvi par le biais du regard.
Nan Goldin dit avoir ressenti un plaisir « intense » à scruter et photographier les images peintes… Une manière pour elle de chercher et de retrouver dans l’art ancien et peint le plaisir du réel contemporain et photographié. Son regard est ainsi animé par le désir de redonner vie via la photo à ces œuvres peintes. Tombée littéralement sous le charme des peintures et sculptures présentes au Louvre, Nan Goldin en parle avec des termes plutôt éloquents… Le Louvre : « une deuxième maison, dans laquelle elle aimerait passer le reste de sa vie »…
© Nan Goldin
L’intime reste le sujet de référence de l’artiste, un thème récurrent qu’elle traite de façon souvent crue. Nan Goldin, aujourd’hui âgée de 58 ans a entamé son œuvre photographique à 15 ans. Terriblement marquée par le suicide de sa soeur, l’évènement va susciter un besoin de conserver des traces et souvenirs les plus fidèles possibles de sa vie et de celle de ses proches. Ce vers quoi elle va tendre tout naturellement avec la constitution d’une photobiographie… fixant au plus juste l’instant qui pourrait disparaître dans l’oubli sans cela. Après avoir poursuivi un cursus aux Beaux Arts de Boston, elle va commencer à côtoyer des milieux marginaux et underground, lesquels vont occuper une grande partie de son œuvre et devenir des sujets emblématiques de son travail : gays et travestis de Boston d’abord, puis punks et consommateurs de drogues dures à New York… Nan Goldin s’est ainsi constitué un « journal intime » photographique dont la finalité serait de documenter, d’enregistrer fidèlement son monde de façon très libérée : les dimensions les plus intimes y sont abordées avec une sincérité déconcertante.
Pour découvrir ou redécouvrir son œuvre et son parcours, une vidéo :
Silencieuse et effacée de la scène artistique depuis quelque temps déjà, l’année 2010 lui aura permis de s’adonner à nouveau à son art et de lui offrir quelques actualités en France. À la Cité de la Musique le 19 octobre dernier pour The Ballad of Sexual Dependency. Et, encore aujourd’hui, une actualité « à suivre » organisée par le théâtre de la ville de Gennevilliers, le T2G : Nan Goldin photographie Gennevilliers, chaque mois et ce depuis septembre 2010, une nouvelle photographie de la ville et de ses habitants à découvrir via newsletter, sur place ou directement sur le site internet. La photo de Janvier :
© Nan Goldin • Birdy Hunt, Gennevilliers, 2010.
Scopophilia. The love of looking
Bande-son par Alain Mahé, 25 minutes.
Exposition Les visages et les corps
Du 4 novembre 2010 au 31 janvier 2011.
Le Louvre – salle audiovisuelle sous la Pyramide du Louvre
75001 Paris.
Citations de l’artiste recueillies sur l’AFP.