Ce discours du chef de l’Etat aurait pu, aurait dû, être pour lui l’occasion de souligner combien la laïcité – dans sa singularité française, c’est-à-dire la liberté totale de conscience sous réserve de la primauté de la loi civile et des principes républicains sur tout précepte religieux ou philosophique – garantissait dans notre pays, aujourd’hui comme hier, le pluralisme et la coexistence pacifique des convictions, excluant toute discrimination entre croyants et non croyants ou entre les cultes. Force est de constater qu’il a fallu attendre la fin du discours du Président de la République pour l’entendre prononcer le mot de laïcité.
A l’inverse, on a pu retrouver dans le propos de Nicolas Sarkozy, une conception et étrangère à notre héritage républicain. La citoyenneté républicaine est, en effet, fondée, contrairement à ce que prétend le Président de la République, sur l’idée de citoyens "indifférenciés", égaux en droits et en devoirs, quel que soit leur rapport à cette "transcendance" à laquelle, oublieux des devoirs de sa charge, le chef de l’Etat ne cesse de se référer pour s’en faire l’apologiste.
A raison même du contexte international dramatique qui a servi de trame à son discours, et sauf à vouloir transposer sur notre sol des antagonismes voire des affrontements dont notre pays a jusqu’ici été préservé par l’attachement de l’immense majorité des Français au pacte républicain et laïque, le Président de la République aurait dû s’abstenir de recourir à une thématique guerrière et gesticulatoire, tout empreinte de la notion xénophobe du "choc des civilisations", le tout à grand renfort d’une sémantique religieuse à peine codée, de la notion de "martyrs" à la référence au "massacre des innocents".
Une fois de plus, s’agissant de la concorde civile et de l’apaisement des tensions au sein de la société française, Nicolas Sarkozy a choisi – avec son cynisme habituel - d’instrumentaliser le dialogue avec les religions pour jouer les pompiers pyromanes.
Alors que nous commémorons aujourd’hui les quinze ans de la disparition de François Mitterrand, chacun mesure la distance qui sépare un Président de rassemblement fidèle à l’héritage laïc au fondement de notre identité républicaine d’un Président de division, qui a tout fait pour brouiller depuis 2007 la laïcité républicaine à lire :