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Les imprévus de la crise ivoirienne

Publié le 12 janvier 2011 par Alex75

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Cette crise en Côte-d'Ivoire s’avère décidemment pleine de rebondissements et d'imprévus. Récemment les médiateurs africains ont quitté Abidjan, sans faire état de progrès vers une solution à la crise politique sévissant. Laurent Gbagbo, lui, est toujours installé dans son palais présidentiel et il affiche depuis quelques jours, deux soutiens aussi spectaculaires qu’improbables, à savoir deux avocats français : Jacques Vergès et Roland Dumas. Deux vieux renards du barreau qui ont débarqué à Abidjan, « tels Dupont et Dupondt » dixit le truculent Eric Zemmour, pour défendre un président officiellement vaincu. « Et cela alors que leurs amis de gauche ne cessent de donner depuis toujours, des leçons de morale démocratique à la terre entière ». 

La Côte-d’Ivoire est au bord de la guerre civile. C’est un pays qui se délite, révélant la cruauté de sa structure tribale, entre le nord Malinké et Dioula, le centre Baoulé et le sud où l’alliance des peuples lagunaires n’a jamais fait défaut à Gbagbo. Il vient encore s’y greffer le conflit entre chrétiens / animistes du sud et musulmans du nord. Avec derrière, une communauté internationale qui ne veut reconnaître qu’une nation, par idéologie et héritage des frontières de la décolonisation. Mais Gbagbo qui donne contre le néocolonialisme, s’empresse d’appeler à la rescousse, deux avocats français, héritiers certes de tous les combats du néocolonialisme, mais aussi de toute l’histoire tortueuse de la Françafrique… La communauté internationale, « elle-même chimère de bons esprits », se voit dénoncée par l’habile Gbagbo, comme l’alliance des puissances impérialistes d’hier et d’aujourd’hui. Qui veulent imposer un président musulman, de l’ethnie Dioula, ancien haut-fonctionnaire du FMI et ancien premier ministre d’Houphouët, enfermé dans l’hôtel du Golfe à Abidjan, protégé par des troupes de la CEAO, mandatées par l’ONU. 

La France est en première ligne depuis le début. Nicolas Sarkozy a bien lancé un ultimatum à Gbagbo, mais sans intervention armée, autant dire un cri dans le désert. « La France ne prendra pas l’initiative d’une intervention militaire », a précisé Alain Juppé le 4 janvier. Sarkozy n’a effectivement pas l’intransigeance de Chirac en matière diplomatique, depuis le début de cette crise ivoirienne. Il est vrai qu’à l’image de novembre 2004, les quelque 15 000 Français sur place sont potentiellement menacés de nouveau, malgré la présence d’une garnison de 900 soldats français à Abidjan, en état d’alerte. Il faut dire que la fièvre post-électorale n’incite personne à réellement recourir à la force, avec des troubles qui ont déjà fait 169 morts civils. Mais la solution pourrait sinon venir par le haut, d’une ingérence de la Communauté des Etats de l’Afrique. La CEAO se dit ainsi prête à envoyer des troupes, dit-on. Mais une telle solution pourrait aussi fragiliser la région. Personne ne sait ce que ferait alors l’Angola, par exemple, face à une intervention de son grand rival, le Nigéria. Gbagbo peut encore prendre la posture de la victime d’un complot des grandes puissances. On redoute aussi la pugnacité d’un Gbagbo, autrement plus combatif que son opposant, d’autant plus qu’issu d’une ethnie minoritaire. Il sait ainsi qu’en perdant le pouvoir, il risque beaucoup avec son entourage immédiat, à savoir des poursuites judiciaires sur des affaires de malversations, les « biens mal acquis », et aussi sur les dessous de la répression post-électorale. 

Et on peut compter sur la culture historique et l’habileté de nos deux Dupont et Dupondt, pour tenter de confondre les opinions publiques. Il est vrai que de nombreux secrets relevant des relations tortueuses entre la France et ses anciennes colonies africaines, et dont nos deux ténors du barreau sont les détenteurs potentiels, pourraient éclater au grand jour. Vergès et Dumas ne manqueront d’ailleurs certainement pas de rappeler en habiles connaisseurs des rouages de la Françafrique, à toutes fins utiles, qu’il y a quelques mois à peine, au Congo, le fils du président défunt Bongo, fut intronisé par la France et l’ONU, grand vainqueur d’élections « démocratiques », et cela, alors qu’on découvre aujourd’hui, qu’il n’était arrivé que bon troisième lors du 1er tour…   J. D. 


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