Ce n'est plus une séance du Mercredi comme l'an passé. ce sera moins structuré et, pour moi sans doute moins contraignant. mais mercredi, ça reste Cinéma.
Je vous propose une bande son. Le titre est celui qui clôt le générique de fin de Somewhere, par Brian Ferry (qui remercie les spectateurs ayant eu la courtoisie de rester jusqu'à la vraie fin du film). La version ci-dessous est plus étonnante, Techniquement je ne sais pas, mais c'est une surprise, non ?
BLOW UP
Blow up a été (est) un film, parmi ceux que j'aime, signé Antonioni, qui montrait à quel point l'image peut être obsédante, obsessionnelle serait même mieux.
Aujourd’hui Blow up est le nom d'un site d'Arte consacré au cinéma, avec le concours des Inrocks. On peut y découvrir les films importants de la dernière décennie ou, plus spectaculaire, que Kim Novak aurait pu interprêter le rôle de Camille dans Le mépris de Jean-Luc Godard. J'ai envie de partager une autre découverte de ce nouveau site. La rencontre, fantasmée, de Faye Dunaway avec Serge Gainsbourg. En vidéo.
SOMEWHERE,
MON FILM DE LA SEMAINE DERNIÈRE
C'est le contraire d'un film poids lourd. Somewhere est la chronique en mode 7ème mineure d'un Los Angeles d'aujourd'hui, délesté de tout exotisme de carnaval et observé du point de vue de personnes très riches et très inactives, pour qui rouler en Ferrari, donner des interviews foireuses, participer à des soirées borderline, faire cuire des pâtes dans une suite du Château Marmont, fumer trop, boire de la bière, baiser des bimbos un peu cons mais très très belles, s'endormir entre leurs cuisses, trimbaler son spleen comme l'homme d'affaires son attaché case semblent la moindre des choses dans le meilleur des mondes, le seul.
Sofia Coppola ne donne pas de leçon, ne fait pas la morale et n'a pas pour objectif d'arrêter la guerre du Vietnam.
Ses films sont autant d'auto portraits languissants et cool, mais celui-ci, après la rose agitation de Marie Antoinette, nous replonge dans le non act land de Lost in translation. Par moment (la scène, bluffante, du maquillage...), le parfait Stephen Dorff, en acteur à la mode viril et fragile, alcoolo (mais on est au Marmont), rappelle le stoïcisme prostré du non moins parfait Bill Murray dans Lost. Dans Somewhere, pas de Scarlett Johansson, mais une adorable gamine blonde, Elle Fanning, dont le personnage de 11 ans a appris à se conduire bien dans ce monde d'adultes dont aucun ne trouve sa vraie place. Elle prépare les breakfast comme une grande, patine sur glace comme une fée, nage comme une sirène. Son duo au fond de la piscine de l'Hôtel avec son père de cinéma est une scène d'une tendresse cocasse qui trahit la sensibilité d'une grande cinéaste.
J'ajoute une mention de la magnifique image de Harris Sevides (chef op habituel de James Gray, Gus Van Sant...). Sofia raconte qu'il a tenu à lui montrer le très beau Jeanne Dielman de Chantal Ackerman. Il me revient les éclats de rire des critiques étouffant un bâillement devant la merveilleuse Delphine Seyrig épluchant des patates (le temps nécessaire à l'épluchage) dans ce film. J'imagine que l'esthétique de Somewhere en a été très influencée, très séduisante dans sa banalité.
Personne (à ma connaissance, mais je peux me tromper) n'a relevé les similitudes entre le dernier S. Coppola et le dernier Bret. E. Ellis. Pourtant, L.A., le Sunset, un personnage encore jeune pilotant une voiture de sport (la marque est différente), sautant des bimbos, mais ayant l'impression d'être constamment suivi par une 4X4 noire, recevant sur son Black Berry des messages étranges de quelqu'un qui, manifestement, l'épie (chez Bret, c'est un iPhone), les soirées au Marmont, tout cela forme la trame des Suites impériales d'Ellis et se retrouve presque photocopié chez Sofia. Et puis, les deux oeuvres se séparent, Bret cherchant le noir, Sofia atteignant un gris perle du meilleur effet. Est-ce le simple effet de la ville tentaculaire chez ces encore jeunes auteurs qui marque leur rapport à L.A. ? Ou la trace écrite ou filmée d'une angoisse qui gagne ?
(NB : depuis dimanche, jour où j'écrivais ces lignes, j'ai lu Télérama et me suis rendu compte avec effroi que le critique, averti, de ce magazine sans faille avait remarqué la proximité des deux démarches. Dont acte).
Il reste qu'une partie de la critique trouve ce film ennuyeux et pense que S. Coppola n'est habilitée ni par son passé, son expérience personnelle, ni par sa propre sensibilité artistique qui en découle à nous montrer en 35 mm (oui, elle filme à l'ancienne, elle a même fait réparer une optique utilisée par son père pour Rusty James, c'est dire si elle se moque du monde) des gens qui, comme elle il fut un temps (il fut ?) s'ennuient et passent le temps en un bras de fer avec l'ennui.
Moi, ce qui m'ennuie aujourd'hui, c'est une certaine critique (les gens du Masque et la Plume, par exemple, qui finissent par faire honte à leurs glorieux aînés par manque de discernement) devenue incapable de suivre pendant une heure et demie un film d'inaction. Cet excès d'infantilisme gâteux m'inquiète pour eux.
A chaque film de Sofia Coppola je recherche, derrière le gris ambiant, l'arc en ciel naissant, qui me donne, encore et encore, des envies de cinéma.