J'assume

Publié le 11 janvier 2011 par Malesherbes

Je n’ai jamais eu l’ambition d’exercer de hautes fonctions. Si j’avais nourri et satisfait semblable dessein, j’aurais pu me trouver devant le choix qui s’est présenté samedi dernier à notre président de la République. Je me félicite donc d’avoir évité ce genre de situation. Je doute que cela me qualifie pour apprécier sa décision mais je vous laisse juge des réflexions que le drame du Niger m’a inspirées.

A ma connaissance, la classe politique tout entière s’est rangée derrière la décision d’intercepter les ravisseurs de nos infortunés compatriotes enlevés au Niger. Il s’agit bien sûr de réaliser l’union sacrée contre le terrorisme. Quiconque émettrait la moindre réserve se retrancherait immédiatement de la communauté nationale. Mais alors qu’il est tout à fait licite de demander si les difficultés engendrées par la météorologie exceptionnelle de la fin décembre ont été correctement appréhendées, il n’est pas convenable, à moins de se présenter comme mauvais Français, de s’interroger sur les considérations qui ont conduit à l’intervention de nos forces ou sur la manière dont cette opération a été conduite.

Nicolas Sarkozy dit : « J’assume ». Que signifie ce « j’assume » ? Certes, il va recevoir les familles endeuillées et j’aurais plutôt confiance dans ses capacités de communicant et de séducteur pour estimer qu’il sera capable de leur témoigner sa compassion. Quoique, depuis certain hommage rendu en août 2008 à des soldats tués dans la Kapisa, en Afghanistan, j’ai des doutes sur l’aptitude à l’empathie de notre président. Où est le risque pour lui dans cette aventure ? De tout temps, les guerres ont été pour les gouvernants un expédient commode pour détourner l’attention des peuples des problèmes intérieurs et, avec ce rassemblement quasi unanime de la nation autour de son Président, le principal risque encouru par celui-ci est une progression de quelques points de sa côte dans les sondages, son unique objectif actuel.

Dans Les Misérables de Victor Hugo, un chapitre intitulé « Tempête sous un crâne » décrit les affres traversés par Jean Valjean avant qu’il ne se décide à se livrer pour éviter à un innocent d’être condamné à sa place. Je suis peut-être de parti pris, mais je ne parviens pas à m’imaginer Nicolas Sarkozy agitant des heures durant le pour et le contre d’une décision d’intervention. Je le vois plutôt dans une attitude bushiste (avant 2000, j’aurais dit digne d’un John Wayne ) s’écrier : « y’ a pas à hésiter, on ne va pas se retrouver avec deux otages français de plus, on y va ».

L’ennui, c’est qu’ici on n’est pas à la maternelle de Neuilly et que, ces derniers temps, les interventions de nos forces armées ont connu quelques défaillances, que ce soit l’abordage du Ponant ou la prise du Tanit. Comme le remarquait un internaute, la résolution de notre président eut-elle été la même si l’un de ses fils s’était trouvé ainsi pris en otage ? Il n’y a guère que des imbéciles pour déclarer, comme il s’en est trouvé en l’occurrence : « l’opération est un succès, les djihadistes ne détiennent pas des otages supplémentaires». En effet, AQMI ne détient toujours que cinq Français, les deux derniers innocents capturés sont morts, vive l'Armée !

Il est incontestable que des terroristes veulent porter des coups à notre pays. Mais, en l’occurrence, ceux qui ont capturé deux de nos compatriotes ne les ont pas abattus à Niamey. Ils les ont pris en otage. Pourquoi donc se seraient-ils dessaisis de cette monnaie d’échange avant d’être accrochés par nos forces ? Où a-t-on trouvé les corps de ces deux malheureux, comment ont-ils été tués ? Si c’est par balles, a-t-on identifié l’origine de ces balles ? J’espère, sans trop y croire, que nous aurons des réponses à ces questions.

Dans l’immédiat, que ce drame rappelle à la mesure tous ces nombrilistes qui, gênés par des grèves, se déclarent pris en otage. Les otages, ils sont hélas au Niger ou en Afghanistan, pas à Paris.