USA : Tucson, les jugements à l'emporte-pièce des médias

Publié le 11 janvier 2011 par Marine8888

Il y a une semaine, au Pakistan, le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Taseer, était abattu par un membre de sa garde. La cause est entendue : le fondamentalisme. Salman Taseer s'était engagé dans la campagne destinée à abroger la législation sur le blasphème envers l'islam. En décembre dernier, une députée du parti du peuple pakistanais (PPP) au pouvoir, Sherry Rehman, avait déclenché la fureur des cercles conservateurs en proposant d'abolir la peine de mort pour blasphème.  L'auteur du meurtre, Malik Mumtaz Hussain Qadri s'est aussitôt rendu, revendiquant son acte et présentant Salam Taseer comme un "blasphémateur qui n'a eu que le châtiment qu'il méritait". Plusieurs milliers d'utilisateurs du réseau social en ligne Facebook se félicitaient de cet assassinat. 

Dans le cas du massacre de Tucson, les explications ne semblent pas si simples et les journalistes qui tentent de belles raisons évidentes ont été épinglés par la très sérieuse Columbia Journalism Review (CJR), haute autorité en matière d'analyses des médiasLa raison la plus communément avancée pour expliquer ce massacre étant le climat délétère que les Républicains et les membres du Tea party font régner dans le pays. Des réseaux comme Fox News n'arrêtent pas de diaboliser l'administration Obama et les démocrates.

Dans un texte intitulé «La politique débute au premier coup de feu» publié sur le site de la Columbia Journalism Review (CJR), Joel Meares s'en prend à «... l'empressement de la part de pratiquement tous les secteurs médiatiques à associer les actions du jeune de 22 ans Jared Lee Loughner à la rhétorique politique surchauffée observée au cours des débats sur la réforme des soins de santé en 2009, aux élections de mi-mandat de novembre 2010. Ou l'empressement à voir ces deux faits comme inextricablement liés.» 

Le FBI n'a découvert jusqu'à maintenant aucun lien entre le responsable du massacre et des groupes extrémistes, et autre organisation haineuse.  Les anciens élèves de sa classe le décrivent comme un asocial paranoïaque et délirant.

Jared L. Loughner en a contre «le gouvernement» mais son fanatisme ne se colore ni à droite ni à gauche. Il assure que Washington a télécommandé les attentats du 11 septembre 2001. Il défend aussi l'idée délirante que les élites mondiales veulent imposer une monnaie unique pour mieux contrôler le monde. Il dit admirer Mein Kampf comme Le Manifeste du parti communiste. 

«Il semble prématuré de sauter aux conclusions à propos de ce crime, sans parler des motifs politiques ou autres», résume encore la CJR qui n'exclut pas d'arriver à établir ce lien. Petite leçon de journalisme, la CJR demande aux professionnels des médias d'éviter les conclusions simplistes et hâtives qui ne s'embarrassent guère de finesse et de complexité.

La républicaine extrémiste Sarah Palin qui ne fait pas dans la dentelle, possible candidate à la présidence l'an prochain, ciblait littéralement la députée abattue dans une carte recensant des candidats démocrates à écarter. La carte a été retirée de son site depuis.  «Si un musulman de Detroit avait publié une carte sur le Web avec des croix ciblant 20 comtés et qu'une tuerie en ait frappé un, où serait-il assis en ce moment ?», a demandé le cinéaste  Michael Moore sur son compte Twitter.