Les évolutions récentes du prix du baril sur les marchés laissent présager, selon certains analystes, un prix de plus de 100$ à court/moyen terme : d’ici à quelques mois. Ainsi que cela a été observé il y a un an et demi, un tel prix aura un impact important sur l’économie mondiale, du fait de la dépendance de nombreuses de ses composantes à cette ressource énergétique.
De telles perspectives favorisent évidemment l’émergence d’un certain nombre de réflexions quant à la place du pétrole dans notre société.
Pétrole, transport et développement économique
L’analyse des indicateurs structurels de l’économie sur les trois dernières décennies démontre une corrélation très forte entre le développement économique et le transport de biens échangés.
Or, force est de constater que, pour une très grande part, le transport de fret est actuellement dépendant des produits pétrolier. En effet, les distances parcourues sont en très grande majorité inférieure à 50 kilomètre, ne permettant donc pas, de manière efficiente, l’usage de solution ferroviaire. Ceci pourrait évoluer en cas de développement très fort de moyens de transport de charge électriques, mais dont l’efficience est moindre.
Un premier axe de prospection peut viser la décorrélation entre le développement économique et les besoins de transport. Cet objectif, utopique pour certains, s’articule cependant bien avec le développement du numérique et des échanges virtuels. Ainsi, le transport « physique » pourrait, pour partie, être remplacé par le « transport » d’information.
Solutions énergétiques
Dans certains domaines, en particulier le chauffage, les produits pétroliers peuvent être remplacés tout en conservant un rendement énergétique élevé. Cependant, il n’est pas possible de supprimer totalement le pétrole : la solution à terme sera un bouquet énergétique.
Or le développement des solutions énergétiques alternatives est relativement coûteux lorsque le prix du baril est faible, alors qu’il est nécessaire qu’elles soient en place au moment où le prix du baril est élevé. Autre « paradoxe » : le développement de telles solutions induisant une baisse de la demande en pétrole, le prix de ce dernier pourrait diminuer au fur et à mesure de leur déploiement.
Mais se reposant ainsi uniquement sur l’autorégulation des marchés (si tant est qu’elle existe), la société se trouve confrontée à deux risques :
- la survenance d’une situation transitoire avec un pétrole coûteux, sans solution de rechange largement déployée,
- la consommation « totale » des ressources pétrolières, posant alors un véritable problème pour l’avenir.
Ces situations soulignent donc l’importance d’une démarche prospective, suivie d’une démarche de soutien aux sources énergétiques alternatives, portées par une gouvernance, tant au plan national qu’international.
Pétrole et changement climatique
La consommation « complète » des ressources pétrolière aurait un autre impact : une accélération du changement climatique. Face à une telle perspective, il est évident qu’un prix élevé du baril de pétrole (supérieur à 100$ et au-delà) est un bon signe : il réduit la probabilité de la survenance de cette situation.
C’est ce qui fait dire à Henri PREVOT que nous disposons de « Trop de pétrole ». Mais face à cet enjeu, la question ne concerne pas que les ressources pétrolières, mais l’ensemble des ressources énergétiques fossiles à contenu carbone (et donc émettrices de CO2), en particulier le charbon.
Cette approche soulève la question du volume de ressources disponibles, en particulier en matière de pétrole. Les dernières analyses de l’Agence internationale de l’Energie (AIE) indiquaient que le pic pétrolier (année de maximum de consommation) est passé en 2006.
Au même moment, en 2009, les ressources disponibles affichées par les compagnies pétrolières semblent être supérieures à celles des années précédentes. Mais ces ressources ne se limitent pas aux ressources techniquement (et économiquement) exploitables ; elles prennent aussi en compte des évaluations/projections dont il est complexe de mesurer la réalité. Ces annonces s’inscrivent dans un contexte de concurrence économique dans laquelle elles jouent un rôle important en matière de valorisation des entreprises pétrolières. Une correction de ces chiffres, qui pourrait réduire de moitié les stocks estimés, aurait aussi un impact économique très fort, alors qu’elle serait nécessaire pour favoriser la recherche de solutions alternatives.
Les impacts potentiels en matière de changement climatique du pétrole devraient donc favoriser la lutte contre le changement climatique, aussi bien en matière d’atténuation que d’adaptation.
Modalités économiques d’intervention
Au premier trimestre de l’année 2010, le projet de contribution carbone, autrement appelée « Taxe Carbone » a été annulé en France. Elle venait compléter le système des quotas de carbone, avec les enchères sur un marché européen.
Visant à favoriser l’émergence des énergies renouvelables, elle posait selon ses détracteurs de nombreuses difficultés, en particulier :
- le volume de la taxe, à montant fixe, n’avait d’impact que pour des prix faibles du pétrole,
- le produit de la taxe est proportionnel au volume de pétrole consommé, réduisant alors les capacités d’investissement dans les énergies renouvelables lorsque cela est le plus nécessaire,
- la taxe, sans accompagnement par une approche globale des politiques publiques, pouvait avoir un impact social très fort,
- la taxe impacte directement le prix des biens de consommation, réduisant automatiquement le pouvoir d’achat et donc la base du discourt politique de tous les partis.
Là, l’enjeu s’inscrit dans une approche globale de la société en matière de prospective, en intégrant un véritable changement de paradigme.